Rebelle
6.3
Rebelle

Long-métrage d'animation de Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell (2012)

Rebelle mais pas trop : Pixar en voie de disneyisation

Depuis 1995 et son premier long-métrage « Toy Story », Pixar s’est imposé comme le leader de l’animation occidentale. Malgré son rachat par la firme aux grandes oreilles en 2006, Pixar a su conserver une certaine indépendance qui fait différencier nettement ses productions de celles de Disney. « Ratatouille », « WALL-E » ou « Là-haut » témoignent du pouvoir créatif du studio à la lampe de bureau. En 2010, « Toy Story 3 » venait terminer avec intelligence et émotion ce qui reste pour moi l’une des plus belles trilogies d’animation. Après le mauvais « Cars 2 », Pixar était attendu au tournant pour ce nouveau cru estival : « Rebelle ». Les nouvelles aventures de Flash McQueen étaient-elles une erreur de parcours ou annonçaient-elles le déclin de Pixar ? Quelques éléments de réponse avec cette princesse à contre-courant.

« Rebelle » est une nouvelle fois, et ce n’est pas une surprise, un magnifique film d’animation. Pixar s’est toujours distingué par la qualité de son dessin, c’est une nouvelle fois le cas. Car, en plus des personnages et notamment la princesse Merida particulièrement soignée (la promotion de Pixar sur le travail effectué sur les cheveux de Merida est justifiée), le spectateur plonge littéralement dans une Écosse médiévale parfaitement restituée. Certes, tout cela est purement numérique mais cela est très joli. Par le biais de son court-métrage « La Luna » qui précède le film, Pixar montre aussi toute son habileté à déployer son talent en quelques minutes. Charmante et poétique, l’animation ne souffre d’aucun défaut.

C’est plutôt du côté du scénario qu’il faut trouver la faille de « Rebelle ». Si l’idée est originale de vouloir mettre en scène une princesse médiévale se rebellant contre la tradition qui doit lui trouver un époux, l’exécution peine à convaincre. Premièrement, c’est parfois un peu long et lourd (l’intrigue centrale avec la mère de Mérida m’a paru même à quelques instants un peu grotesque) pour un film qui dépasse à peine les 90 minutes. Deuxièmement, si la princesse échappe finalement selon ses vœux à son destin tout écrit de future reine (tout du moins pour un temps), la fin et la morale ramènent le film qui se voulait réactionnaire sur des chemins plus conformistes. Troisièmement, il faut noter le manque flagrant d’humour. Même les triplés, personnages qui apparaissent comme les moteurs comiques du film, ne sont parvenus à me décrocher qu’un seul sourire (et encore c’est de l’humour pipi-caca-…-mucus nasal !).

Quatrièmement et dernièrement, et c’est sans doute ce qui m’a le plus dérangé, l’absence d’un double discours. Pixar a toujours su créer des longs-métrages d’animation avec un récit double : une histoire simple qui fait passer un moment merveilleux aux enfants et une analyse plus poussée pour les adultes. Dans « Toy Story 3 », la réflexion sur la fin de l’enfance était admirablement mise en images dans cette scène où Andy offrait ses jouets à Bonnie et jouait une dernière fois avec eux. Dans « Rebelle », il n’y a rien d’autre pour les adultes qu’une critique du mythe de la princesse et de son prince charmant.

Devant l’absence d’humour et de références, les adultes n’y trouveront pas leurs comptes mais les plus petits auront parfois du mal à garder aussi un bon souvenir tant le film prend parfois un ton sombre et violent (la sorcière, le combat des ours). Mes nièces de 6 ans et 3 ans ont sursauté à quelques reprises. Devant ce constat, je me suis rendu compte que le film s’adressait donc à un public assez restreint où ni les plus petits, ni les plus grands prenaient plaisir.

Après « Toy Story 3 » et « Cars 2 », Pixar avait fait l’effort d’écrire une histoire originale, ce qu’il faut tout de même saluer dans le paysage cinématographique d’aujourd’hui. Mais si le pitch de départ est intéressant, si l’esthétique est une nouvelle fois sublime, « Rebelle » souffre de trop nombreux défauts pour devenir la nouvelle perle de l’animation. S’il n’y a encore rien d’alarmant, Pixar est sur le mauvais chemin, celui de la disneyisation. Espérons que le studio rectifiera la trajectoire dès l’an prochain avec « Monstres Academy ». Peut-être que le salut du studio à la lampe passe par un retour aux œuvres fondatrices comme « Monstres et Cie ».
potaille
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le 6 août 2012

Modifiée

le 6 août 2012

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potaille

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