Rebelle
6.3
Rebelle

Long-métrage d'animation de Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell (2012)

Pixar est reconnu pour être cette merveilleuse chaumière conceptrice d’originalités en tout genre faisant constamment grimper son nombre de fans (de bons goûts) de film en film. Disons-le d’emblée, Rebelle n’a pas cette flamme voire cette lumière de génie que reflète habituellement Luxo Jr., la fameuse petite loupiotte espiègle de la firme californienne que l’on voit rituellement en introduction des métrages depuis plus de quinze bonnes années. Ainsi, certains dirons qu’il s’agit d’un très bon Disney mais d’une mauvaise pioche Pixar.

Effectivement, l’histoire est d’un classicisme déconcertant. Il est vrai que Pixar ne nous avait pas encore présenté une thématique princière. C'est banale, très banale. On appréciera cependant la discrétion scénaristique concernant le cœur même de l’histoire, par l’intermédiaire de ces quelques trailers et teasers distillés depuis des mois avec une certaine maîtrise.

Ce qui ressort de ce Rebelle est ce contexte écossais plutôt rare. Pixar tente son premier pas dans le conte de fée. On apprend que Brenda Chapman, débutant chez les grands avec l’incroyable Le Prince d’Egypte dès 1998 chez DreamWorks, est la première femme à œuvrer sur un Pixar. La dame sort de son chapeau un récit inspiré d’une expérience personnelle et d’un intérêt pour les paysages du coin ainsi que pour la culture écossaise. Pixar, de succès sur succès, passe d’une collaboration fructifiant avec Disney pour être englobé dans l’usine du bon vieux Walt dès 2006. Peu de temps après, des désaccords artistiques surviennent et Chapman est remplacée par Mark Andrews qui avait déjà participé à plusieurs projets Pixar et, notamment, fait du bien ou du mal (qui sait) à la licence John Carter. Rebelle change ainsi plusieurs fois de noms, dont « The Bear and the Bow », sans doute plus explicite, pour s’accorder sur des changements internes que le spectateur ne verra jamais.

Est-ce que ce désordre interne et la longueur qu’a pris le développement du film aurait eu des effets secondaires sur le produit fini ? On aura tendance à dire que l’équipe de réalisation a réussi bel exploit avec, toutefois, quelques lacunes. Malgré une narration fluide, sans temps mort, le principal retournement de situation semble être un événement secondaire procurant une certaine frustration aux spectateurs en attente de l’aventure avec un grand « A » et de l’originalité avec un grand... Enfin vous avez compris. L’heure et demie que dure le film donne alors une impression de trop peu. En dehors de cela, « Pixney » nous propose quelque chose d’efficace. D’un côté il y a de nombreux personnages stéréotypés et des bagarres gentillettes tout droit issues des querelles très connues par chez nous des Gaulois d’Uderzo et Goscinny avec des touches héroïques mais maladroites faisant penser à un lointain Braveheart. De l’autre, on retrouve la confrontation des valeurs parentales d’un milieu social élevé inculquées tant bien que mal par une mère aimante mais envahissante et le désir maladif d’émancipation d’une princesse au caractère bien trempé qui refuse catégoriquement de se conformer aux règles ancestraux. Cela mène à des paroles que l’on dit sans les penser, rapprochant fatalement les deux opposés en leur donnant une leçon mutuelle. Bien sûr, Rebelle, ce n’est pas que ça, mais nous sommes bien loin des excentricités et des audaces habituelles d’un Pixar pure souche (rappelons-nous les aventures d’un rat passionné de cuisine haut de gamme, d’un robot-nettoyeur seul dans un monde déserté pas un reste de population ayant l'allure de gros bébés à cause d'une automatisation exacerbée et, bien sûr, ces jouets qui se lient d’amitié et vivent des aventures incroyables dès que l’on a le dos tourné...).

La comparaison avec le Raiponce de Disney est parfois mise en avant. Ainsi, cette transposition de ce conte allemand traite également de l’émancipation d’une personnalité de haut rang et le film de Byron Howard et Nathan Greno possède, paradoxalement, sans doute plus cette aura Pixar grâce à ces personnages plus loufoques encore. Mais là où Raiponce tombe un peu dans la mièvrerie avec une fin de conte de fin classique avec un mariage et une éventuelle progéniture, Rebelle reste sur ses positions et assume son désir de liberté jusqu’au bout.

Sur le plan technique, Pixar va toujours de l’avant et propose cette avancée technique, permise par le fameux Presto Animation System, d’animer, entre bien d’autres choses, la fameuse tignasse bouclée de la princesse Merida. Le Net regorge de chiffres, histoire de faire pousser des « hooo » et des « wouah » aux passionnés d’animation (dont je fais intégralement partie), et parle ainsi de près de 111 700 cheveux pour 1500 boucles (merci Allociné). Le même site met d’ailleurs en exergue une remarque de John Lasseter disant que "l’art défie la technologie et que la technologie inspire l’art". De fil en aiguille, l’avancée technologie et le désir de défier les plus grandes impossibilités donne encore plus de réalisme à ce monde synthétique. De ce point de vue-là, on s’attend à encore plus de merveilles dans l’avenir. Musicalement, l’Ecossais Patrick Doyle (Hamlet, Thor, Rise of the Planet of the Apes) propose naturellement des sonorités celtiques des Highlands, usant d’instruments traditionnels mélangés aux cordes et bois habituels des écritures pour musique de film. Il est le quatrième compositeur à intégrer la petite famille musicale Pixar après le génial Randy Newman et les forts talentueux Thomas Newman et Michael Giacchino. Même si aucun thème n’est particulièrement marquant, les compositions de Doyle viennent cependant crédibiliser tout ce travail visuel incroyable : motifs, tissus, accessoires d’époque... Tout a été minutieusement travaillé et ça se sent. Le tout passera bien sûr au-dessus de vos nombreuses têtes blondes mais la profonde recherche documentaire est clairement à noter.

Au final, après un Cars 2 qui n’aura pas su relancer l’intérêt d’une suite comme l’ont fait, à deux reprises, les très réussis Toy Story 2 et 3, Rebelle est, malgré un classicisme un peu frustrant, une belle réussite. On regrette le manque de niveau de lecture et les clins-d’œils (même s’il y en quelques-uns bien sûr : clan McIntosh et consorts...) mais le tout reste cohérent. Sachant que le film a été réalisé, sur un long terme, avec quelques soucis de cohésion interne, on s’attend sans doute à retrouver un futur Pixar de grande qualité... si Disney n’impose pas ces codes moraux à deux balles à tout bout de champ.
Gaeru83
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le 6 août 2012

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Gaël Barzin

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