Très joli morceau de film noir aux allures de polar énervé, Règlement de compte va influencer tout un pan du film de gangster à la ricaine quelques années plus tard. On pense forcément à Siegel et son inspecteur Harry par exemple qui reprendra, plus violemment dans sa forme, le pitch désormais classique du flic intègre prêt à lâcher son boulot pour se faire justice. Point de Clint ici, mais un Glenn Ford rageur qui n'a pas la langue, ni les poings, dans sa poche. Il parvient à rendre habilement le côté borderline de son personnage, qui une fois qu'il a tout perdu ou presque, ne s’embarrasse plus de quelconques règles pour faire tomber les malfrats qui règnent en maître sur sa ville et malmènent les modestes âmes qui la peuplent.

C'est ce côté un peu ambivalent du personnage qui donne tout son intérêt à Règlement de compte. Et même si Fritz Lang ne va pas complètement au bout de sa problématique parce que son personnage est finalement très raisonné, il fait plus qu'effleurer l'idée tout de même. Lorsque l'ex-flic débarque chez la veuve menteuse, prêt à lui tordre le coup, on ne s'en laisse pas compter. Règlement de compte est une oeuvre très noire envahie de violence. Souvent hors champ, elle n'en reste pas moins efficace. Quiconque verra le film frissonnera devant l'excès de colère dont fait preuve l'excellent Lee Marvin, verseuse de cafetière au poing, envers sa concubine.

Quand on admire l'intensité dont fait preuve Fritz Lang dans sa mise en scène, son habileté à diriger ses comédiens, on commence à ronger son frein devant un script un brin linéaire. Car même si le propos de Règlement de compte n'est pas son enquête policière, finalement inexistante puisqu'il ne s'agit que d'illustrer ici la corruption à grande échelle d'une ville pourtant pas très étendue, tout y est tellement millimétré qu'on aimerait se faire transporter davantage par l'histoire, ou en tout cas anticiper un peu moins son déroulement.

Cette remarque à part, Règlement de compte s'impose comme un sacré film noir, très novateur dans sa forme et surtout dans la caractérisation de ses personnages, surtout féminins. Un oeuvre fondatrice, à ne pas manquer lorsque l'on est, comme je le suis, un amateur névrosé de tout le cinoche très violent des années 70-80.
oso
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le 4 mars 2014

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