Il existe concernant les bons films sur lesquels écrire ensuite deux types de séances. Celles tout d’abord où ce qui en sera retiré paraît immédiatement évident (et où le risque, à trop vouloir déjà mémoriser un commentaire, est dès lors de s’aliéner une expérience pleinement immédiate). Celles ensuite où, non seulement ce qu’il faudra en raconter ne le paraît pas encore, mais où la question ne se pose nullement pour le moment. Les films procurant cet effet sont souvent plus importants que ceux fournissant le premier – précisément parce que ce qui en fait la force, la séduction, demeure à clarifier pour soi-même. Rester Vertical est de ceux-ci. L’incertitude qu’il procure ne provient pas d’une difficulté à détailler son histoire (touffue mais aisément compréhensible), ou ses thèmes (nombreux et explicites). Elle concerne la nouveauté pour Guiraudie de ce qu’il filme, alors que les motifs lui sont typiques. Le genre de film laissant à penser qu’il pourrait s’avérer encore mieux que tout le bien qu’on en pense déjà. Qui remettrait en question plus encore que d’autres la pratique, utile pour saisir rapidement une appréciation mais limitée en terme de portée critique, d’attribuer des notes. L’incertitude est pour son personnage principal au cœur de Rester Vertical : sur quel positionnement adopter concernant certains sujets de société, sur son orientation sexuelle même. Un film incertain sur la place de Guiraudie lui-même dans le cinéma actuel. Cette faculté de douter est un bien précieux, de la part d’un cinéaste d’une humilité saisissante dans sa franchise – par exemple quand il admet l’insatisfaction partielle qu’il conserve à certains égards vis-à-vis de son film (notre entretien est à lire ici).
La suite de la critique et l'interview d'Alain Guiraudie à lire sur Film Exposure.