Il existe concernant les bons films sur lesquels écrire ensuite deux types de séances. Celles tout d’abord où ce qui en sera retiré paraît immédiatement évident (et où le risque, à trop vouloir déjà mémoriser un commentaire, est dès lors de s’aliéner une expérience pleinement immédiate). Celles ensuite où, non seulement ce qu’il faudra en raconter ne le paraît pas encore, mais où la question ne se pose nullement pour le moment. Les films procurant cet effet sont souvent plus importants que ceux fournissant le premier – précisément parce que ce qui en fait la force, la séduction, demeure à clarifier pour soi-même. Rester Vertical est de ceux-ci. L’incertitude qu’il procure ne provient pas d’une difficulté à détailler son histoire (touffue mais aisément compréhensible), ou ses thèmes (nombreux et explicites). Elle concerne la nouveauté pour Guiraudie de ce qu’il filme, alors que les motifs lui sont typiques. Le genre de film laissant à penser qu’il pourrait s’avérer encore mieux que tout le bien qu’on en pense déjà. Qui remettrait en question plus encore que d’autres la pratique, utile pour saisir rapidement une appréciation mais limitée en terme de portée critique, d’attribuer des notes. L’incertitude est pour son personnage principal au cœur de Rester Vertical : sur quel positionnement adopter concernant certains sujets de société, sur son orientation sexuelle même. Un film incertain sur la place de Guiraudie lui-même dans le cinéma actuel. Cette faculté de douter est un bien précieux, de la part d’un cinéaste d’une humilité saisissante dans sa franchise – par exemple quand il admet l’insatisfaction partielle qu’il conserve à certains égards vis-à-vis de son film (notre entretien est à lire ici).


La suite de la critique et l'interview d'Alain Guiraudie à lire sur Film Exposure.

Cygurd
8
Écrit par

Créée

le 24 août 2016

Critique lue 319 fois

Film Exposure

Écrit par

Critique lue 319 fois

D'autres avis sur Rester vertical

Rester vertical
B-Lyndon
9

Droit devant les loups

On aime Guiraudie parce qu'il est seul, parce qu'il est seul à faire un cinéma qu'il ne devrait pas être seul à faire - celui de la poésie. Et encore une fois, il s'y tient, il fait un vrai film de...

le 24 août 2016

20 j'aime

1

Rester vertical
Fritz_Langueur
1

Loup y es-tu ?

En sortant de "L'inconnu du lac", je m'étais promis de surtout ne plus aller voir un film de Guiraudie, tant, je n'ai pas peur des mots, je m'étais impérialement emmerdé ! Et puis, parce que nous...

le 7 janv. 2017

18 j'aime

16

Rester vertical
mymp
2

Causse toujours

De toute notre âme, de toutes nos forces, on aimerait pouvoir défendre ce cinéma radical, fantasque et presque fou. Fou de liberté et de poésie, tranquille sur les chemins de traverse, les échappées...

Par

le 29 août 2016

16 j'aime

4

Du même critique

The Green Knight
Cygurd
8

La couleur de la honte

De prime abord, la filmographie de David Lowery peut paraître au mieux surprenante, au pire incohérente. Après des Amants du Texas trop inféodés au premier cinéma de Terrence Malick pour pleinement...

le 31 juil. 2021

86 j'aime

2

Midsommar
Cygurd
6

Le refus de la transcendance

L’extrême sophistication formelle du premier film d’Ari Aster, Hereditary, annonçait l’arrivée d’un cinéaste éloquent mais aussi manquant d’un peu de recul. Sa maîtrise époustouflante du langage...

le 4 juil. 2019

74 j'aime

11

Captain Fantastic
Cygurd
5

Le grand foutoir idéologique

C’est la « comédie indépendante » de l’année, le petit frisson subversif de la croisette, montée des marches langue tirée et majeurs en l’air à l’appui. Le second film de Matt Ross s’inscrit dans la...

le 12 oct. 2016

43 j'aime

39