Etrangement, le principe de départ qui voudrait raconter comment Robin devient Robin des bois en passant allègrement sur ce que la mémoire collective a fait du mythe ne me dérange pas trop...

Comme les récits des Chevaliers de la table ronde, qui finissent par se nourrir aussi bien du délire non-sensique de Sacré Graal que du comique télévisuel d'Alexandre Astier, Robin des bois est un mythe mouvant qui se prête assez bien à la réinterprétation.

Issu des ballades populaires de la fin du moyen-âge, le bougre en a tout de même connu de toutes les couleurs avant de se figer dans le modèle qui nous est plus familier et qu'Errol Flynn rendra éternel. Par exemple, Marianne et Robin ne se retrouvent ensemble de l'autre côté de la Manche que plusieurs siècles après leur création, et oui, la donzelle combat déjà à cheval dans certaines versions du dix-neuvième... Le décor est associé à la croisade de Richard coeur de lion et du fourbe Jean-sans-Terre seulement vers la fin du seizième siècle, et ne sera définitivement adopté que par l'arrivée de l'Ivanhoé de Walter Scott en 1819, vite suivi du Maid Marian de Thomas Love Peacock.

A noter que Dumas a adapté de son côté un feuilleton qui deviendra deux volumes très éloignés de l'histoire que vous connaissez mais d'une belle tenue tout de même.

Alors, oui, pourquoi pas, il peut se lâcher un peu Ridley, essayer un peu pathétiquement de lutter contre l'image de l'archer vert en collants... Il garde juste les personnages en fait, Richard, Jean, le Shérif, Robin et Marianne, Petit Jean, Will l'écarlate, frère tuck, Allan le ménestrel et n'oublie finalement que Much, le fils du meunier dans ce concentré un peu idiot vu que tout est supposé se passer avant la grande époque mais qui semble faire partie des passages attendus...

Après tout, Walt Disney avait fait de l'histoire un conte absolument charmant sans trop se préoccuper d'une véracité historique et littéraire bien malléable, et Richard Lester avait même déjà blasphémé de très jolies retrouvailles pour nos héros plus que vieillissant qui passait délicieusement sous les bougonneries de Sean Connery et la grâce d'Audrey Hepburn...

Non, sérieusement, le problème n'est pas simplement ici affaire d'adaptation, elle est affaire d'histoire.

Et là, l'arrivée stupide du père maçon, gourou d'un peuple suivi par tous les seigneurs du coin pour instaurer plus de liberté et de démocratie, franchement, avec la meilleure volonté du monde, ce n'est pas possible. Il y a là ce ridicule affligeant qu'on trouvait déjà dans l'immonde Kingdom of Heaven qu'il va bien falloir que je rabaisse encore tellement il est encore bien pire, et qui n'est absolument pas pardonnable.

A côté, bien sûr, on sent les multiples moutures du scénario mal digérées, les personnages grotesques pour servir de souverains, la gourgandine française de service, un pauvre Mark Strong injustement ridiculisé sur la fin, un débarquement inique, un vieillard aveugle, des gamins pitoyables et une romance toute moisie... On se demande ce que le pauvre William Hurt, qui vieillit bien, est allé faire dans cette galère...

M'enfin, c'est infiniment moins laid que le Kingdom ou le récent Prometheus, et ça se regarde beaucoup plus facilement par les jours de trop grande gueule de bois.

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le 4 sept. 2012

Modifiée

le 4 sept. 2012

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Torpenn

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