David Lynch revisite le Magicien d'Oz, vu par les yeux d'un couple d'enfants devenus trop vite adultes par la brutalité du monde qui les entoure.

Mai 1990, Bernardo Bertolucci, président du Jury du Festival de Cannes annonce la Palme d'Or de Sailor et Lula sous les sifflets d'une assemblée consternée. Le Public cannois n'était pas préparé à cet opéra à la violence extrême et au lyrisme exacerbé. Devenu aujourd'hui film-culte, Sailor et Lula rempli toujours les salles qui le proposent en séances spéciales, dans le cadre d'un hommage à son auteur ou d'une nocturne à caractère fantastique. Car il s'agit bien d'un film fantastique, même s'il est traité de manière réaliste.
Cape Fear. Sailor Ripley (Nicolas Cage) aime Lula Pace Fortune (Laura Dern) qui le lui rend bien. Mais Marietta (Diane Ladd), la mère de Lula n'accepte pas cette relation passionnelle. Elle fait mettre en prison Sailor. Quelques années plus tard, à sa sortie, Sailor retrouve Lula et s'enfuit en direction de la Californie. Folle de colère, Marietta lance à leurs trousses deux tueurs pour qu'ils lui ramènent sa fille et détruisent le monstre qui ose l'aimer.
Lynch traite le roman de Barry Gifford sur le mode du road movie. Ce qui lui permet de faire intervenir une galerie de personnages dont lui seul a le secret tout au long de ce voyage cauchemardesque. On y trouve un étrange monsieur qui se prend pour un pigeon, une chanteuse de blues, une vamp fatale qui vit dans le désert, un cambrioleur libidineux, etc. Tous ces éléments humains donnent l'impression d'avoir été propulsés sur terre avant terme. Tous ont une tare irréversible et s'en accommodent tant bien que mal. Mais attention, Lynch ne délire jamais pour délirer. Son univers, pour autant qu'on l'accepte, est d'une extrême cohérence. Tout ce que vivent Sailor et Lula les sert à conserver leur amour coûte que coûte.
Lynch et Gifford les mettent à l'épreuve dans des situations à la limite du supportable comme la scène de l'accident nocturne. Dans cette séquence géniale, Sailor et Lula remarquent des vêtements sur la route. Ils s'arrêtent et découvrent une jeune fille à demi consciente et le crâne partiellement ouvert en train de chercher son sac, de peur de se faire gronder par sa mère. Elle finit par mourir dans les bras de Sailor. Personne n'a mieux retranscrit à l'écran l'agonie que Lynch. On aimerait être dans un cauchemar, mais le réalisme brute et l'analyse pertinente de la situation nous en empêchent et nous bouleversent.
Après cette odyssée sanglante, les deux tourtereaux ont droit au Nirvana que Lynch traduit par un happy end magnifique et ensoleillé.
RemyD
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le 11 oct. 2010

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RemyD

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