Le DVD de Schizophrenia a été édité récemment en France par Carlotta, et comme toujours, ils ont soigné leur produit. Quand on lance le film, on nous propose de voir ou non le prologue, un texte nous expliquant que celui-ci a été réclamé par un distributeur.
Le prologue a été tourné en une seule journée, mais on croirait qu'il avait été prévu depuis le début : c'est filmé avec application, et il y a plus d'idées de mise en scène dans ces 7 premières minutes que dans une bonne partie des films que je vois habituellement.
Mais malgré l'esthétisation, c'est terriblement réaliste. Cette intro retrace la vie du personnage principal, et sert superbement le reste du film de mon point de vue, tant le récit et les images "d'archive" utilisées évoquent fortement un vrai documentaire sur un serial killer. Avec la distanciation classique de la voix-off, qui rajoute de la froideur.
Et cela ne parasite pas le reste du long-métrage, où l’on revient sur ces crimes mais différemment.


Lorsque le film en lui-même démarre, le personnage principal, un tueur anonyme, sort de prison après dix ans. Il ressent le besoin de torturer des gens, et n’a jamais été traité pour ce trouble. Il a été déclaré sain d’esprit après son premier meurtre, ce qui fait qu’il soit allé en prison et non dans un institut psychiatrique.
Presque tout le film est parcouru par sa voix, en off, qui vient d’un comédien différent de celui qui joue le tueur à l’image, car on ne l’entend jamais prendre la parole. Il est clair que l’acteur a été choisi pour son faciès inquiétant.
EDIT : Comme le fait remarquer Gaspar Noé dans les bonus du DVD, on a l'impression que les personnages autour du tueur n'existent pas vraiment, leur individualité est effacée par l'omniprésence de la voix-off. Le personnage principal est comme isolé du reste du monde.
Le personnage nous parle avec froideur de sa vie, ses crimes, ses traumatismes, avec le même détachement que ce soit pendant une scène tranquille ou durant un de ses crimes.
Il nous fait part de ses plans, oui car il a des plans pour ses victimes. Il a établi mentalement un ordre dans lequel les choses doivent se dérouler, comme s’il s’agissait d’un fantasme qu’il essaye de concrétiser ; malheureusement, tout ne se passe pas comme il le rêvait.
Parmi ses désirs, il y a surtout celle de faire peur, d’une façon ou d’une autre. (et d’ailleurs, le titre du film, Angst, signifie "peur") Instaurer la peur chez ses victimes, à mon avis, lui donne accès à une forme de supériorité, lui qui, durant son enfance, a été rabaissé par sa famille, qui ne voulait pas de lui. Tout ça est évoqué dans le film, mais les liens de cause à effet ne sont que sous-entendus.
Ce qui est intéressant, c’est que le personnage précise ne pas avoir peur de la justice, il a peur de lui-même. Par contre, on ne sait pas s’il a peur pour lui, ou pour ses victimes. Toutefois, il y a une scène où il se dit qu’il ne doit pas s’attacher à elles, preuve que, contrairement à la plupart des tueurs en série, il ne se dissocie pas totalement d’eux et a une certaine conscience du mal qu’il leur inflige.


La violence est très crue, elle met un peu mal à l’aise, mais le film propose tout de même parfois des plans magnifiques. Il y a un désir de Gerald Kargl de faire régulièrement dans l’anormal, avec des plans débullés, des contre-plongées, … Mais le ne manque pas d’idées. Il y a par exemple cette porte qui claque, et le plan suivant tremble, comme sous l’effet du choc.
La plupart du temps, les expérimentations visuelles ont du sens. Pendant le début du film, la caméra semble fixée à une certaine distance du tueur, pour qu’en tournant autour de lui, elle reste proche de lui… et nous aussi. Et lors de ces gros plans où des personnages fixent la caméra, de façon peu naturelle, comme s’ils nous dévisageaient, je pense qu’on est aussi dans l’intériorité du tueur, seul contre tous.
Etant donné la maîtrise de la mise en scène, seul quelques regards caméras discrets et des plans flous dénotent un léger amateurisme.
Il y a quelques courts passages chaotiques et maladroits, avec des jump-cut en tous sens et la caméra qui tremble ou tournoie, mais ils véhiculent assez bien l’idée d’un malaise ressenti par le personnage.


Le tueur le dit très souvent, "j’étais très excité" ; eh bien moi aussi, j’étais très excité, mais malheureusement, le film m’a refroidi par la suite. Il n’a plus grand chose à proposer dans sa dernière demie-heure (pour un film qui ne dure qu’1h17 sans son prologue), ça traîne, on voit le personnage se débarrasser de tous les corps, sans ellipses…
Il a encore d’autres projets à réaliser, mais il se fait avoir bêtement, et le film s’arrête.
C’est réellement dommage, mais quel choc que Schizophrenia, du moins au début ! Je le recommande donc malgré tout.
La vraie grande déception en fait, c'est que le réalisateur n'ait rien fait d'autre, car si ça, c'est son premier long-métrage, j'aurais bien voulu voir ce qu'il aurait pu faire ensuite...

Fry3000
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le 16 juin 2015

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Wykydtron IV

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