Digestion de culture geek 80'
Ce film amorce un premier virage dans la carrière de l'excellent Edgar Wright, avec l'absence remarquée du mythique duo Pegg et Frost (je dirais même plus: les excellents Fegg et Prost) et un hommage total à l'univers des geeks. Et il faut bien l'avouer: on n'avait jamais vu ça sur grand écran avant ou, si ça s'est fait, je ne suis pas au courant.
Je pensais que seul le Japon aurait été capable de pondre une oeuvre pareille. De fait, Scott Pilgrim élabore une espèce de synthèse jouissive d'un phénomène né au pays du soleil levant en s'imprégnant jusqu'au dernier atome de pellicule des codes et du mode de fonctionnement des mangas et des jeux vidéo. On se retrouve face au parfait opposé de Kick-Ass qui présentait un Réel contaminé par un univers de fiction tandis que Scott est un pur univers de fiction sur lequel viennent s'apposer des éléments de la vie réelle. Sa grande réussite (et là ou Kick-Ass s'est planté), c'est qu'il n'oublie jamais cette distanciation qui apporte un regard empreint à la fois de respect et de dérision sur un phénomène culturel qui innonde ces dernières décennies. C'est la raison pour laquelle, alors que le film devient de plus en plus halluciné à mesure qu'approche son dénouement, il reste particulièrement pertinent et ne devient jamais une pâle copie de ce dont il parle.
Le problème, puisqu'il y en a un, c'est que pour apprécier le film, il faut déjà comprendre de quoi il parle, déjà connaitre les trames codifiées des univers qu'il détourne, condition sine qua non pour savourer l'humour toujours aussi grandiose de Wright. Sans quoi, Scott Pilgrim paraitra con, voire d'une nullité abyssale tant il n'hésite jamais à partir dans le grand guignolesque. L'univers du film n'existe que par rapport aux oeuvres qui le précèdent et qui l'ont nourri, ce qui est à la fois sa force et sa faiblesse. Car, sorti du phénomène geek des années 80, il y a beaucoup d'aspects du manga et du jeu vidéo qui sont tout bonnement mis à l'écart ce qui, je dois l'avouer, m'a frustré à plusieurs reprises. Dans Scott, l'univers geek c'est Dragon Ball, X-Or et Kung-fu Master, jamais Ghost in the Shell, Metal Gear Solid ou Silent Hill. C'est sûrement moins comique, je vous l'accorde. Mais être bombardé en permanence de gimmicks et de clichés de plus en plus désuets sans prendre en considération leur évolution artistique m'a parfois un peu gonflé. Sans compter que le jusqu'au-boutisme de Wright nous force à supporter parfois du très mauvais goût (la danse du tout premier ex maléfique... m'en suis toujours pas remis).
Au-delà de ces raccourcis difficilement évitables quand on adapte un scénario déjà existant, je ne peux qu'applaudir l'humour et l'audace d'un réalisateur vraiment intelligent qui sait toujours aussi bien pointer du doigt les déficiences humaines bien réelles derrière le vernis de la blague potache et de la parodie.
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