Sisters est un film de Brian de Palma, un thriller tourné vraiment dans son style, et qui rappelle en même temps Hitchcock pour son ambiance et son histoire pleine de tension, et organisant un face à face final puissant, vraiment tendu où chaque acteur pourra faire exploser son potentiel de jeu. La naissance d'un style plus qu'un chef d’œuvre intemporel, mais passé complètement inaperçu à cause d’un film beaucoup moins recommandable d’un point de vue qualité : Vendredi 13. Un remake a été envisagé pendant plusieurs années, mais n’a pas vraiment trouvé preneur, ne sachant pas si on devait tourner le film à la mode Hitchcock ou à la façon Polanski. Douglas Buck, scénariste du meilleur Troma (terror firmer, cru haut en couleurs) et réalisateur de l’incroyable Family Portraits (qui a vocation à finir dans davantage de top 10), va surprendre tout le monde en le tournant dans le style de Cronenberg. Avec en prime une magnifique affiche dans le style de celle de Martyrs.


En donnant une esthétique particulièrement soignée à son film (image lisse, lumière sombre mais nette, le même type de grain que dans A l’intérieur), Douglas Buck imprime immédiatement un sentiment de classicisme dans sa mise en scène, ce qui sera assez souligné dans les bonus du film (dans la reconstitution d'époque 90, avec la bande originale assez intimiste d'Edward Dzubak et David Kristian...). La plupart des costumes sont typés dans des époques passées (le docteur Lacan a l’air de venir des années 60), les voitures et le mobilier également. Modifiant légèrement sa scène de meurtre, plus sanglante mais moins traumatisante que celle de de Palma (où les blessures étaient presque béantes), on bascule dès lors dans le thriller classieux, où le but est de révéler les failles (psychologiques) des protagonistes : le docteur Lacan et Annabelle (La journaliste assiste à la scène depuis l’appartement du docteur Lacan alors qu’elle y est entrée par effraction). Le chat et la souris en quelque sorte, mais c’est surtout le personnage d’Angélique qui intéresse, dans tout cela. Droguée aux médicaments non commercialisés, aimable, et très ambiguë, Lou Doillon, qu’on a rarement vue aussi élégante, étonne par ses compétences de jeu. Mais nous progressons peu à peu vers le final mettant tout le monde face à face, révélant les lésions psychologiques, réaménageant les évènements du film de De Palma pour accentuer leur côté déviance psychologique qui plie peu à peu la réalité aux pulsions tordues (de ses personnages féminins, le docteur Lacan étant davantage vecteur d'une horreur pragmatique, chirurgicale cadrant avec sa carrure). Les détails qui faisaient le suspense chez De Palma sont peu à peu oubliés, laissés de côté car extérieurs aux préoccupations réelles du film (le traitement réservé au cadavre, qui ressemble à une incohérence de scénariste tâcheron, montre combien Douglas Buck se fout du côté thriller, il en profite d'ailleurs pour rire du film de De Palma qui était incohérent sur le sujet), centré sur le mental des personnages et leur ressenti. Et ce remake va encore plus loin, accentuant l’effet « ambiance Cronenberg » en brouillant peu à peu la réalité pour instaurer une sorte de lien du sang, matérialisé par deux plaies béantes au niveau d’une cicatrice de jeunesse, qui réunira les grands personnages féminins du film. Si il est moins stressant et ludique que son prédécesseur (Brian y testait son style thriller avec le split screen et d'autres petites curiosités), Sisters, sœur de sang est un remake incroyablement esthétique, assez développé au niveau de ses thèmes, et dont l’existence est clairement justifiée au vu de ses qualités indéniables. Plus obsédant et moins démonstratif en tout cas, ce qui pourra passer pour un style prétentieux auprès de certains spectateurs. Mais le Cronenberg old flesh ne plaît pas à tout le monde, pas vrai ?

Voracinéphile
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le 2 déc. 2015

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