La séquence d'ouverture commence à fond la caisse, le temps pour Sam Mendes de convaincre les sceptiques que oui, il est capable de filmer une scène d'action. Dès lors le ton est donné. Pour le 50e anniversaire du mythe, Skyfall sera britannique ou ne sera pas. Au service de Sa Majesté Bond, Mendes respecte l'univers ultra codifié de la saga, et pousse la fidélité jusqu'à la caricature. Celle-ci, comme tout le reste, est calculée. Aussi, lorsqu'on voit Bond planté dans la lande écossaise, jambes écartées, regard à l'horizon, on sait que le too much est totalement assumé.


Foutrement élégant, drôle et grossier, Skyfall parvient à dérouler un récit bordé et sans surprise, sans jamais ennuyer. Si l'on dénote quelques légères baisses de régime, elles ne pèsent rien dans la mécanique parfaitement huilée, dirigée par un Mendes sûr de lui, dont on devine le plaisir pris derrière chaque plan. Véritable exercice de style, Skyfall s'impose dans une mise en scène brillante sans être pompeuse, classique sans être ampoulée, virtuose sans être vide. Aussi le combat de Shangaï est-il magnifiquement graphique, la rencontre avec Séverine, diablement sexuée, ou le rendez-vous avec Q, finement drôle, sans oublier les retrouvailles Silva/Bond, délicieusement ambiguës...


S'inscrivant, comme tous les films de héros actuels, dans une atmosphère de fin d'un monde (d'un règne, d'une guerre, d'une méthode), Skyfall exploite avec le recul nécessaire la nostalgie d'un personnage qui n'est plus vraiment d'aujourd'hui. L'Aston Martin DB5 joue alors à plein la carte iconique, illustrant dialogues et situations en décalage contrôlé. James Bond renaît de ses cendres pour mieux affronter un monde hors du monde, celui des ombres et des jeux de rôles. On se réjouit alors que les scénaristes aient choisi de privilégier la complexité du personnage de M, au détriment d'une James Bond girl anecdotique. Le film, comme son héros, y gagnent en intérêt et en humanité.


Inutile de préciser que Daniel Craig est parfait jusque dans l'auto-parodie. Il en va de même pour un casting haut de gamme, des solistes Judi Dench, Javier Bardem ou Ralph Fiennes, en passant par des seconds rôles brillants (Ben Whishaw et Naomie Harris - même l'inconnue Bérénice Marlohe est bonne) ou le revenant Albert Finney. Notons également la partition exceptionnelle de Thomas Newman qui, en digne héritier de John Barry, fait de la musique la clé de voute rythmique du film. En chef d'orchestre de grande classe, Sam Mendes nous offre un spectacle certes attendu mais virtuose, un pur exercice de style, à l'élégance toute britannique. On se délecte.

pierreAfeu
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le 5 nov. 2012

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