Navré Sucker, on ne peut plus rien pour toi

Etant donné à quel point ce film s'est fait descendre (que dis-je ; vomir dessus) par nombre de membres estimés et éminents de SC, je ne pouvais qu'être curieux de son contenu. A vrai dire je me suis même mis en tête de noter le maximum de points positifs que je pourrais en tirer, histoire de prendre un peu sa défense... On va dire que c'est mon côté chevalier blanc qui ressort. Ou mon côté masochiste plutôt, étant donné la quasi-impossibilité de la tâche.

Les points forts du film donc, commençons par eux puisqu'ils ne sont malheureusement pas bien nombreux.
L'idée de départ tout d'abord, l'imaginaire comme seule échappatoire à une réalité atroce et injuste : c'est du déjà vu, mais comme pitch on a fait pire. Dans l'intention, c'est quand même au-delà d'un Piranha3D (je force le trait à dessein) et il y a largement de quoi faire un film potable. Bon, dans les faits c'est mal exploité, mais nous y reviendrons plus bas.
L'autre "avantage" de Sucker Punch est la volonté de Snyder de lui donner une identité visuelle unique, délirante et très (trop ?) hétéroclite. Là aussi, le résultat n'est pas vraiment à la hauteur de l'ambition affichée, le film partant dans tous les sens sans se trouver un style défini, cependant la tentative est tout de même assez louable.
Quelques visuels sont plutôt réussis, comme les vues aériennes de champs de bataille, et les effets spéciaux, présents à tous les étages, sont parfois bien faits (mais pas toujours convaincants ni employés judicieusement).
Enfin, remercions ce brave Snyder de nous avoir choisi quelques jeunes actrices aux jolis minois et aux tenues sexy, encore que même dans ce registre on reste un peu sur notre faim.

Maintenant que j'ai expédié les points positifs, qui comme vous l'aurez remarqué sont tous plus ou moins à nuancer, passons à la partie réjouissante du programme. Et vu la quantité de tares que Sucker Punch se trimbale, il y a vraiment beaucoup à dire.

L'introduction ressemble à un mauvais clip pour ados, tant niveau musique que réalisation... Quand on voit ça, on a pas vraiment envie de continuer le visionnage. Le pire, c'est que ça ne s'arrange pas ensuite : le film entier souffre de ces passages musicaux aussi chiants que récurrents et de cette réalisation soûlante, hystérique et qui ne respire pas franchement la maîtrise ni l'inspiration. L'OST est d'un goût douteux voire mauvais pour ce qui est des compositions originales, les bruitages complètement abusés ont manifestement été faits par le même type qui a bossé avec Sam Raimi sur les adaptations de Spider-Man ; bref nos oreilles sont mises à mal.

Les personnages (au premier rang desquels la protagoniste) sont absolument dépourvus de tout charisme, et guère aidés par des dialogues insipides, ni par le scénario fumeux qui développe bien mal son sujet. Il y avait en effet matière à réaliser un long-métrage qui ne sacrifierait pas totalement l'onirisme sur l'autel du grand spectacle (puisque c'est de rêve et d'évasion que l'on parle), mais pour le coup nous sommes irrémédiablement passés du côté explosif de la Force. L'essentiel de l'action est accaparé par des affrontements aussi grandiloquents que ridicules, avec au menu chorégraphies disgracieuses, postures à la Power Rangers et ralentis exaspérants. Le tout est justifié par une espèce de quête carte-clé-sortie qui ressemble à une parodie de RPG (ce qui expliquerait pourquoi le film entier fait penser à un mélange abrutissant de divers jeux vidéo...).
On passera sur les habituelles invraisemblances : les ennemis qui ne savent pas se servir de leurs fusils, l'héroïne qui abat un avion à coups de Colt M1911, puis un énorme zeppelin à la mitrailleuse... Heureusement que les véritables aéronefs de la Première guerre mondiale étaient un peu plus solides, parce que là manifestement on a pas eu droit à la Deutsche Qualität.

Question message, on se demande pendant un bout de temps ce qu'essaie de nous raconter la voix off avec ses histoires d'anges gardiens et d'armes que tout un chacun possède en lui. En fait tout cela n'était qu'un prélude à la grande révélation de la fin du film, la morale bouleversante qui nous fait tous reprendre espoir et charger à 1 contre 10 devant les portes du Mordor : dans la vie, il faut se battre pour s'en sortir. Ce foutage de gueule final est en plus contredit par l'affiche du film, qui proclame que "la réalité est une prison, et que notre esprit est la clé" ; s'il vaut mieux fuir l'horrible vérité via notre imaginaire, alors à quoi bon se battre ? Enfin bon, la prochaine fois n'essayez même pas de faire passer un message, si c'est pour sortir des conneries pareilles.

Malgré tout, j'avais encore espoir vers le milieu du film de pouvoir le sauver, en tirer quelque chose. Et puis le coup final est venu. Je veux parler de certaines "reprises" qui ponctuent la bande originale.
Que l'on massacre Eurythmics, je m'en fiche à peu près. Que l'on trucide Jefferson Airplane, c'est déjà beaucoup moins sympa. Mais avec le sort réservé à Queen, on dépasse les limites du tolérable. C'est la goutte d'eau qui met le feu aux poudres, l'étincelle qui fait déborder le vase.

Désolé Sucker Punch, mais avec toute l'indulgence du monde, je ne peux pas te mettre plus de 3 après ça.
Alagus
3
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le 2 févr. 2014

Modifiée

le 2 févr. 2014

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Alagus

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