Take Shelter c'est l'histoire du monde qui se transforme, qui devient une sorte de réalité hétérogène pour le personnage principal, il n'y a plus d'uniformité du monde.
Nous sommes conscients que la nature est Une et indivisible, pourtant Curtis se trouve plongé dans une sorte de vision éclatée du monde. Entre la terre qu'il connait et dont c'est le métier et le ciel qui lui dévoile d'étranges présages, l'homme situé entre les deux éléments ne trouve pas sa place, pire il vient à douter de sa propre santé mentale.
Les oppositions viennent de toutes part: opposition entre le mari et la femme, lui perdant ses repères et elle étant très réaliste.
Entre l'individu et le groupe social, l'individu étant perçu comme aliéné par une conception commune du monde.
Entre les parents et l'enfant, qui sont doués de la parole face au mutisme de leur fille.
Entre le besoin d'aide et l'aide apportée quand cette dernière ne fait qu'avancer les mêmes pistes de réflexion stérile pour soulager un esprit torturé.
Entre l'instinct qui pousse à se protéger et la raison qui fait souffrir.
La liste pourrait être encore plus longue, cette frénésie de chocs frontaux, ce fourmillement gravite autour du personnage principal tandis que le film reste sur un rythme lent. Encore une opposition entre ce que l'on voit et ce que l'on ressent. Un tour de force impeccable qui emporte tout.
Take Shelter se découvre comme une expérience unique, l'exemple parfait du classique instantané, quand économie de moyen rime avec immersion totale, quand le jeu des acteurs et leurs charismes perforent l'écran, il est légitime de considérer ce film comme une pièce maîtresse du cinéma fantastique.
Il sera toujours aisé de critiquer l'apparente simplicité du scénario qui nous amène du point A au point B en criant "c'était sûr !" mais c'est faire fi du cheminement qui nous y a conduit et ceci reste à mon avis une erreur impardonnable.