Pour les cinquante ans de l'Araignée (apparue dans le numéro 15 d'Amazing Fantasy sorti en août 1962), Sony nous offre un reboot au lieu d'un quatrième opus avec Sam Raimi et Tobey Maguire (prévu mais annulé en janvier 2010). Si on a longtemps débattu sur le net sur l'intérêt d'un tel reboot, je me suis rangé du côté des « pour » même si je n'étais pas spécialement emballé sans compter que le Lézard ne me disait rien.

Pourquoi suis-je pour ce reboot ? Tout simplement parce que la saga de Raimi, même si de bonne facture, est loin de déchainer chez moi une passion. Hormis le deuxième épisode tout simplement excellent, le premier était bon sans plus (je n'ai pas toujours pas réussi à avaler le look ridicule du Bouffon Vert, ou devrais-je dire du Robouffon), le troisième était très moyen, Raimi étant complètement noyé sous les exigences (pas forcément pertinentes mais bankables). Sans oublier, Tobey Maguire ayant fait de Peter Parker un personnage mou, on a parfois l'impression qu'un piquet avec un masque d'halloween à son extrémité aurait plus de consistance et de réaction. D'autant plus choquant que Spider-Man se doit d'être incroyablement agile, cela offrait un contraste saisissant et péjoratif lors des alternances acteur rigide sous costume et séquences en images de synthèse offrant un Spider-Man très agile.

Ce point-là, Andrew Garfield l'a largement compensé. L'acteur semblant réellement être le Spider-Man même lors de phases civiles (sans costume) avec une déconstruction du corps le rendant davantage proche d'une Araignée que d'un poteau. On sent alors l'entraînement intensif effectué. Pendant plus de 6 mois, Andrew Garfield a été suivi par un coach, un conseiller nutritionniste et les cascadeurs pour faire de lui le meilleur Spider-Man possible. On peut dire sans trop s'avancer que la mission est pleinement accomplie. Andrew Garfield est un bien meilleur Spider-Man que Tobey Maguire, il est The Amazing Spider-Man.

D'ailleurs, le Spider-Man de Marc Webb est bien plus proche de celui du comic d'origine. Spidey parle durant les combats pour masquer sa nervosité (mention spéciale à l'arrestation du voleur de voiture très drôle), il bondit partout comme une araignée, il fabrique son lanceur de toiles (les toiles organiques du Spider-Man d'origine avait fait scandale auprès des fans) surtout Marc Webb en profite pour afficher des plans qu'on croirait tout droit sorti d'une planche du comic avec notamment la fameuse posture au Spider-Man où il se plie sur lui-même offrant ses jambes en avant, une main en arrière tenant la toile et l'autre main en avant pour en lancer une nouvelle.

Peter Parker a subi aussi des changements, exit le gars complètement ringard et bienvenue au jeune new-yorkais. Pour ce Peter-là, on pense davantage au Peter d'Ultimate Spider-Man (comic offrant un reboot sur les personnages les plus populaires de l'univers Marvel et donc un nouveau monde appelé Ultimate, cet univers est dissocié de l'univers originel) que l'original rien qu'en le voyant téléphoner avec son portable avec son costume ou patienter en jouant à un petit jeu. Tous ces éléments font de Peter, un garçon bien plus en phase avec le monde réel, celui de Raimi s'adressant à l'ancienne génération. Si on devrait faire une comparaison, disons que celui de Rami lorgne davantage sur le Spidey de Stan Lee et celui de Webb sur Bendis.

D'ailleurs, je préfère aussi le nouveau costume, davantage réaliste. La costumière Kym Barrett (la trilogie Matrix) s'est inspirée des tenues d'athlètes des JO (costume limitant la transpiration et les frictions). Si on s'est beaucoup moqué des couleurs flashy (nécessaires pour la 3D) sur les photos, force est de constater que le résultat rend très bien à l'écran. L'avantage d'offrir des couleurs marquantes permet aussi de coller à la nouvelle ambiance rendant l'univers de l'Araignée plus underground à la manière du Dark Knight de Nolan. Marc Webb y livre un amour pour la ville de New-York avec ses buildings éclairés, ses ruelles humides et plongées dans la pénombre, son métro, ses chauffeurs de taxi. Les phases de jour existent toujours mais demeurent nettement moins impressionnantes.

Pour incarner le grand amour de Spider-Man, exit MJ et bienvenue Gwen Stacy, la blonde était le grand amour de Peter Parker. Il avait même délaissé MJ pour elle dans le comic d'origine avant une issue fatale. Le personnage est désormais vengé de son apparition de groupie dans le troisième épisode de Sam Raimi (marquant son gros point faible, les personnages y font des apparitions clins d'œil et demeurent inachevés). Pour l'incarner, l'actrice montante, Emma Stone et mon dieu, j'ai été sur le cul. Au revoir, l'agaçante MJ et bienvenue à la bienveillante Gwen Stacy. Emma Stone l'incarne à merveille, difficile alors pour les hommes de ne pas succomber sous son charme bienveillant. Pour ma part, le couple Peter/MJ est largement éclipsé, d'ailleurs pour l'anecdote les deux acteurs sortent désormais ensemble dans la vraie vie, prolongeant le mythe. On craint désormais pour les épisodes suivants surtout que les fans de comics peuvent déjà commencer à deviner les contours de cette nouvelle trilogie surtout avec la scène post-générique :


SPOILER SPOILER
Qui est l'homme dans l'ombre ? Difficile à dire. La première hypothèse serait de dire Norman Osborn mais alors comment a-t-il fait pour arriver dans la pièce pourtant fermée. La présence d'éclair pourrait faire penser à Mystério ou à Electro à moins qu'il ne s'agisse d'un moyen pour mettre l'ambiance (on pense au fameux passage où Norman Osborn se transforme en bouffon vert dans Spider-Man), ça fait toujours plus classe et plus flippant. En tout cas, cela permet d'envisager beaucoup de choses pour la suite. En tout cas, je pense que la présence de Norman Osborn se fera plus pertinente dans le deuxième avant d'avoir le droit à un épisode spectaculaire pour le troisième pour clore la trilogie et l'amour Peter Parker/Gwen Stacy.
FIN SPOILER


On peut aussi remarquer une nouvelle concordance entre The Amazing Spider-Man et Ultimate Spider-Man via l'omniprésence de la science (passé sous second plan dans la trilogie de Raimi). Car dans Ultimate Spider-Man, Peter est piqué par une araignée fabriquée par la société de Norman Osborn (alter-ego du Bouffon Vert), le père de Peter Parker travaillait aussi avec un autre collègue pour ce qui deviendra Venom (parallèle avec Connors) alors qu'ils voulaient améliorer le monde. Probablement pour la suite, comme dans le comic Ultimate, on devrait avoir des méchants « fabriqués » par Oscorp (la société de Norman Osborn). Et pourquoi par les Sinister Six dans le dernier épisode? Les Sinister Six sont une association des plus grand ennemis de Spidey sous l'égide de Norman Osborn (jamais présent dans The Amazing Spider-Man mais dont l'ombre plane sans cesse).

Le nouveau Spider-Man n'est pas parfait et souffre de défauts facilement évitables, d'ailleurs presque les mêmes que ceux du premier épisode de la trilogie Raimi. On pense notamment à des effets spéciaux bancals (les petits lézards de The Amazing Spider-Man sont complètement ratés), des séquences d'actions lourdingues (notamment avec les grues qui se tournent pour offrir un boulevard à Spidey, au moins on échappe au drapeau américain dégueulasse de Spider-Man 3) mais le plus gros demeure le look du méchant. Mais qu'est-ce qu'ils lui ont fait au Lézard ? Le fait de lui avoir retiré son long museau menaçant pour en faire un visage simiesque est horrible sans compter sur ce rictus lorgnant sur le Joker (on a l'impression de subir le même préjudice que face à Robouffon). Heureusement, comme Willem Dafoe, Rhys Ifans offre une telle prestation qu'il arrive à le faire oublier un peu.

Les scènes d'actions sont bien mouvementées, toujours à la limite convenable de l'illisible. Très dynamiques, elles collent parfaitement à l'esprit de l'Araignée, à savoir agilité et rapidité. La bonne idée du long-métrage est d'avoir ajouté des séquences en vue subjective permettant de s'extasier devant la vision de Spider-Man lors de ses balancements au bout des toiles. Malheureusement, on reprochera la trop grande brièveté de ces séquences. Les combats sont fidèles à l'esprit du comic. Peter n'a pas une puissance énorme face au Lézard et doit donc privilégier le cerveau au poing.

Par rapport aux scènes dramatiques, on regrettera une certaine impassibilité de la part du spectateur face à ces séquences trop vite expédiés :

SPOILER SPOILER
La mort d'oncle Ben même si elle est touchante grâce à un formidable Martin Sheen demeure tellement attendue qu'elle en est automatiquement désamorcée. Même argument pour la mort du capitaine Stacy (sans compter que le bonhomme n'est pas suffisamment étoffé : le cliché du flic têtu mais juste). Toutefois la douloureuse séquence de rupture entre Peter et Gwen fait mouche, surtout le plan où elle se retourne les larmes aux yeux, le parapluie noir au-dessus de sa tête.
FIN SPOILER


Signalons aussi l'excellente caméo de Stan Lee. C'est même une des meilleures toute apparition confondue. D'ailleurs, cette caméo permet de souligner l'humour très réussi de ce Spider-Man. On rigole plusieurs fois de bon cœur.

Rendez-vous le 2 mai 2014 pour le deuxième opus avec toujours Andrew Garfield et Emma Stone. A l'écriture, le duo Alex Kurtzman et Roberto Orci, co-créateurs de la série Fringe et scénaristes sur Mission: Impossible III et Star Trek mais aussi Transformers – La revanche et Cowboys et envahisseurs. Pour la réalisation, on ne sait pas encore mais espérons que Marc Webb continue vu son bon travail sur cet épisode.
Marvelll
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le 9 juil. 2012

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Marvelll

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