Des producteurs super-puissants
Quand le film commence, on adopte un mouvement de recul, comme si l’on allait recevoir un coup de poing. Les anciens Spider-man faisant aujourd’hui peine à voir, il est normal de s’attendre à certaines souffrances devant leur successeur.
Au bout d’environ 15 minutes, on ouvre les yeux un peu plus grands, parce que ce que l’on regarde n’est pas si désagréable. C’est filmé avec une certaine douceur, et les acteurs sont plutôt bien choisis, à la différence des films précédents. Andrew Garfield crée un personnage nettement moins caricatural que Tobey Maguire, c’est toujours agréable de revoir Martin « capitaine Willard » Sheen, et il y a Emma Stone et sa voix cassée. Tout paraît plus réel, plus vrai, plus sincère.
Une demi-heure, une piqure d’araignée, un oncle Ben mort, et un costume plus tard, le film se « tient » toujours.
Au bout d’une heure, on s’interroge pour de bon. Que se passe-t-il ? Est-il possible qu’un film de super-héros vaille quelque chose ?
Malheureusement, c’est à ce moment là, quand on commence à y croire, que tout s’écroule. Après avoir adopté pendant un peu plus d’une heure un schéma original pour un genre cinématographique hyper-codifié, le film s’agrippe aux poncifs comme une araignée à sa toile. Tout y est, de la manière la plus impersonnelle et insupportable qui soit. Le méchant qui ne l’est pas complètement, le drapeau américain, la grande humanité des New Yorkais et la scène d’action de 10 minutes à la fin. Pourquoi faut-il toujours qu’il y ait cette scène d’action à la fin ?
Cette descente aux enfers dure plus d’une heure (le film dure donc plus de deux heures…) et, à chaque minute, on s’enfonce un peu plus profondément dans les méandres de la nullité, avec pour paroxysme les quelques scènes en vue subjective de Spider-man parce que, maintenant, c’est la 3D ou rien. Le film qui semblait s’affranchir de certaines contraintes est remplacé par un produit aux normes. La souffrance n’en est d’ailleurs que plus grande. Comme si l’on déposait un gâteau dans le four pour, ensuite, le regarder brûler.
En 2009, Marc Webb a réalisé son premier film, « 500 jours ensemble », une comédie romantique qui saisit les instants d’un couple. Il sait regarder les gens et les filmer, et il le montre une seconde fois avec la première moitié de ce hold-up qu’est Spider-man. Webb et les producteurs de Sony, propriétaires des droits, auraient-ils passé un accord ? : « Ok Marc, pour la première moitié du film, tu as carte blanche. Mais la seconde moitié est à nous. Et tu vas faire exactement ce qu’on te dit, c’est clair ? ».
Et voilà le résultat ! Un film agréable, bien filmé et personnel d’abord, un produit sans intérêt et totalement impersonnel ensuite.