La licence spiderman doit à Sam Raimi d'être devenue une juteuse poule-araignée aux oeufs d'or dans l'emballement des adaptations de comics - plus ou moins réussies. Aussi, lorsque Raimi raccroche, Columbia veut enchaîner directement avec un reboot, une précipitation qui m'avait pour le moins dissuadé de jeter un oeil à "The amazing spiderman", refroidi par l'allure "boy's band" de Garfield en Peter Parker. Je lui préférais la gueule lunaire de McGuire.

Mais en fait cette nouvelle mouture n'est pas comparable aux films de Raimi, sur quasiment aucun point d'ailleurs : là où les trois premiers films donnaient à fond dans le comics, funs et colorés, au risque de se perdre un peu dans une sorte d'hystérie bouffonne, "the amazing spiderman" est davantage un film qu'un comics, plus sérieux, plus adulte. Pourtant il ne laisse pas de côté l'aspect comique de son super-héros, sa grande gueule et son auto-dérision. Le film se concentre essentiellement sur la genèse de Spiderman, qui occupe pour ainsi dire les trois quart du temps : patiemment, il pose les gallons de Peter Parker pour qui ses pouvoirs sont moins une renaissance et une mutation qu'une sorte de continuité de ce qu'il est (petit génie en biologie et informatique, il perçoit sa transformation comme une multiplication des possibilités d'avenir). Ni mal dans sa peau, ni spécialement bien, il se laisse vivre, rongé sans le savoir par l'absence de ses parents, un mal qui lui éclatera au visage lorsque ses pouvoirs naissants le mettront en situation de conflit avec son oncle. si on échappe pas tout à fait aux scènes de pathos, le film n'en fait heureusement pas des tonnes, la mort de Ben est même un peu brusque, comme un coup de grâce après les difficultés que sa transformation inflige à Peter. De ce côté-là, la construction du personnage est plutôt réussie, pas trop larmoyante et Garfield parvient à être sympathique sans pour autant devenir insupportable. Un très bon point.

Côté rythme le film prend parfois son temps, un peu trop peut-être mais on ne s'ennuie pas puisque le développement de Peter est un spectacle maîtrisé et agréable. Sa petite amie en titre, Gwen Stacy est à ce titre une petite bouffée d'oxygène, piquante et décidée, elle est presque le bras droit de Peter plutôt que d'être une décoration (in)dispensable et crispante, le film fait d'elle un personnage à part entière et un réel soutien. Là non plus, pas d'excès d'eau de rose et c'est tant mieux.

Si sur le plan psychologie des personnages principaux, rythme narratif et réalisation, tout est plutôt bon, reste cependant deux écueils qui m'ont gêné pendant le visionnage :

Tout d'abord les scènes d'actions : concentrée dans la dernière demie-heure, elles sont peut-être plus léchées et classieuses que celles de Raimi, on y ressent bien la sensation de vitesse et de mouvement...tellement bien en fait qu'elles en deviennent bordéliques et que pour le peu de temps qu'elle dure, on ne comprends pas toujours ce qui se passe à l'écran. L'action ne doit pas seulement être visuellement agréable, elle doit être lisible. Autant les quelques scènes de traversées de la ville au bout de la toile de spiderman en vue subjective sont excellentes, autant les combats sont brouillons.

Second point noir : on pourra dire ce qu'on veut du bouffon vert Dafoe, du doc octopus, de Harry, l'homme des sables ou de Venom mais ils avaient pour eux d'avoir une personnalité, des motivations, des états d'âme, des hésitations, bref un semblant de psychologie, de motivation et de personnalité qui, exacerbées par leur mutation les rendaient dangereux. Dans le cas du lézard, la seule explication pour sa folie est sa mutation et une fois celle-ci amorcée, elle efface toute personnalité, tout caractère, qu'il regagne comme par magie une fois soigné. Difficile de s'attacher à un méchant réduit à un pseudo savant fou dont les motivations s'apparentent finalement bien plus à celles d'un méchant de James Bond en panne d'inspiration. Dans un contexte plus sombre, cela rend le personnage plus que douteux, là où le Bouffon vert et Octopus poursuivaient un rêve, tiraillés entre le respect qu'ils pouvaient avoir pour Peter Parker et la nécessité de l'éliminer. Ce dilemme est totalement absent de "the amazing spiderman" et rend le super-vilain totalement anecdotique. Peut-être plus classe que le Power rangers bouffon vert mais épais comme une feuille de papier à cigarette.

Mention spéciale pour la musique, totalement oubliable et remplaçable, mille fois entendue, du réchauffé. Elle ne gêne pas le visionnage mais n'y apporte clairement pas grand chose côté ambiance.

"The amazing Spiderman" est une relecture finalement intéressante du personnage, s'écartant de la version du comics d'origine pour davantage coller à sa nouvelle mouture : Raimi s'adressait aux fans de la première heure, Webb aux fans nouvelle génération. Deux œuvres très différentes et une preuve de plus s'il est nécessaire que les super héros peuvent être lus et écrits de manières très diverses. Savoir laquelle on préfère reste une affaire de goût.
SubaruKondo
7
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le 9 juin 2014

Critique lue 206 fois

SubaruKondo

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