Voyage. Voilà le terme qui à mon sens caractérise le mieux ce The Assassin. Il y a le voyage dans la Chine du IXe siècle dont l'époque est admirablement reconstituée, le voyage dans la vision cinématographique terriblement personnelle du réalisateur, et enfin le voyage introspectif des spectateurs qui, comme moi, n'ont jamais réussi à entrer dans le film...
A mes yeux ces trois formes de voyage sont intimement liées. Ainsi pour ce qui est du scénario, il est fortement conseillé de bien garder en mémoire le synopsis disponible sur la fiche SensCritique de l'oeuvre car l'intrigue de cette dernière se dévoile à l'aide de maigres détails jetés en pâture au spectateur au détour d'un dialogue philosophico-politique...ou d'un plan fixe de plusieurs minutes. Car oui, The Assassin est un film hautement contemplatif.
Et si Hou Hsiao-Hsien sait indéniablement tenir une caméra et capturer des images et des plans absolument somptueux nous immergeant totalement dans la Chine féodale, ce réalisateur risque de donner à certains l'impression qu'il s'est un peu oublié en route. Si artistiquement le film est une réussite du point de vue de la forme, le fond m'a clairement laissé sur le bord de la route. Un peu comme ce plan de plus d'une minute sur deux feuilles mortes bruissant légèrement sur un chemin désert...
Ce plan est d'ailleurs symptomatique de mon rejet de ce film : je ne le comprends pas. A quoi sert ce plan qui fait suite à un fugace duel ? A indiquer que les deux guerriers s'en sont repartis chacun de leur coté pour mieux suivre leur route au grès du vent ? Que le fait que les deux feuilles soient craquelées soient une métaphore pour indiquer que les deux guerriers sont abimés par la vie et leur quotidien ? Soit ce plan ne sert strictement à rien soit c'est le vecteur scénaristique choisi par Hou Hsiao-Hsien pour nous conter son histoire...
Dans un cas je pense que c'est un peu du foutage de gueule, et dans l'autre je penche clairement vers le foutage de gueule. Surtout que des plans de cet acabit voués à interprétation, il n'y en a pas qu'un. Je pense notamment à un plan fixe sur un balcon où un personnage marche, regarde au loin, disparaît à l'angle, revient, regarde à nouveau au loin, et le tout pendant presque trois minutes. Dans la scène suivante on apprend que l'Assassin s'est infiltrée dans les lieux et cela indiquerait donc que la précédente scène servait à mettre en évidence le fait qu'elle se déplace discrètement comme une ombre et que de facto on ne la voit pas...Ca tombe bien puisque précédemment il n'y a rien à voir pendant trois minutes si ce n'est une jolie photographie – une constante dans le film – et un toit en tuiles.
Il se dégage du film un profond sentiment d'austérité que le format 4:3 ne fait que renforcer, en plus d'entacher, selon moi, la qualité graphique de l'ensemble. Car oui, du point de vue graphique et esthétique, le film regorge de qualité. Mais lâché par le scénario, (me sentant) bafoué par la réalisation singulière de Hou Hsiao-Hsien, j'ai fini par plonger totalement dans une léthargie cotonneuse en me laissant porter par les images, sans chercher à les comprendre. J'ai voyagé intérieurement en étant bercé par de splendides paysages, décors et costumes aux couleurs chatoyantes.
Mais ça ne m'a pas empêché de terminer ma salle sur un amer sentiment de vacuité.
Après, il m'est toutefois difficile de totalement déconseiller ce film aux curieux tant j'ai conscience que mon aversion pour le cinéma chinois s'intensifie au fil des années. Je fais partie de cette catégorie de spectateurs insensible au cinéma de Wong Kar-Wai, qui n'accroche pas à Tigre et Dragon ou encore qui résume Héro à "C'est beau mais c'est chiant". D'ailleurs c'est un peu ce que je retiens de ce The Assassin : c'est beau mais c'est chiant. Mais à vous de voir si le voyage peut vous plaire.