Si l’on doit noter quelques films à la noirceur travaillée et prenante (Fargo et No Country For Old Men) dans la filmographie des frères Coen, c’est pourtant dans le domaine de la comédie que celle-ci est principalement constituée. Avec notamment Intolérable Cruauté, O’Brother et Ladykillers. Mais s’il ne fallait ne retenir qu’un film comique dans cette liste aux titres cultes, c’est bien The Big Lebowski. Le long-métrage le plus atypique qu’aient livré les frangins à ce jour, mettant tout leur talent de scénariste dans ce genre qui leur est propre.

Dans The Big Lebowski, on y retrouve tous les sujets comiques des frères Coen. À savoir l’humour noir (le final, avec le jetée de cendres du défunt, est un pur moment de franche rigolade), l’ironie (le pauvre « suiveur » du duo principal qui est toujours rejeté et à qui il arrive finalement la pire des bricoles à cause de ses compères), le farfelu (tout commence par un malentendu, qui va entraîner notre héros dans une rocambolesque affaire alors qu’il ne voulait qu’être dédommagé de son cher tapis). Le tout brillamment écrit pour rendre les répliques amplement savoureuses et épicées (chacune étant un véritable délice niveau répartie).

Mais ce qui fait le charme de The Big Lebowski, c’est avant tout son « bestiaire ». Son équipe de personnages hauts en couleurs, aussi déjantés les uns que les autres ! Dont le protagoniste principal, Jeffrey Lebowski dit le Duc (Dude en VO), chômeur sans ambition qui se la coule douce en jouant au bowling, en buvant des russes blancs et grand amateur de marijuana (dont les mésaventures débuteront à cause d’un gars ayant le même nom de famille). Un ami, Walter Sobnack, juif par alliance (et qui l’est encore même après que sa femme l’ait quitté), qui veut toujours mener les opérations en mettent sur le pas de la porte son expérience au Viêt-Nam et en perdant un peu trop souvent son sang-froid. Le second larron, Donny, toujours à la ramasse dans les discussions et qui se fait toujours rembarrer, ce qui ne l’empêche pas de suivre ces copains comme si de rien n’était. Maude Lebowski, une féministe et artiste avant-gardiste très libre sur la sexualité. The Big Lebowski (celui avec qui Jeffrey est confondu), vieillard millionnaire dont il vaut mieux se faire l’ami pour ne pas subir ses sénilités. Brandt, assistant de ce dernier, parfait cliché du mec en cravate toujours souriant et soumis. Sans oublier une bande de musiciens allemands qui jouent les Nihilistes, une jeune bimbo écervelée, un étranger en mode cow-boy qui sert de narrateur (même là-dessus, les répliques de ce personnage sortent du lot), un rival en bowling excessivement théâtral ou encore vidéaste des plus excentriques.

Une troupe hors normes dont il fallait des comédiens de talent pour leur permettre de prendre vie. Et pour le rôle principal, les Coen touchent l’excellence avec l’incroyable Jeff Bridges, qui se glisse aisément dans la peau du Duc. Lui-même admirablement secondé par John Goodman, Julianne Moore et Steve Buscemi. Faisant face aux exécrables David Huddleston, Philip Seymour Hoffman, Peter Stormare et John Turturro. Un beau petit monde qui s’éclate comme il se doit, entrant à merveille dans le délire qu’est The Big Lebowski.

En parlant de délire justement, le film ne s’arrête pas qu’à son scénario et à sa savoureuse galerie de personnages. Les frères Coen vont encore plus loin en proposant quelques moments de purs trips. Mis en avant lorsque le Duc se retrouve dans les pommes. L’occasion pour les réalisateurs de filmer des sortes de rêve où l’on voit le Duc voler dans les airs. Ou, encore plus culte, ce dernier se retrouvant au beau milieu d’une comédie musicale, portant à l’honneur le bowling, un certain Saddam Hussein et des délires visuels (dont la fameuse étagère à chaussures qui s’élève jusqu’à la Lune, ou encore le Duc lancé telle une boule de bowling entre les jambes de femmes en mini-jupe).

Et enfin, n’oubliant un autre point fort de The Big Lebowski : sa bande originale. Mêlées aux compositions de Carter, le film arbore toute une multitude de chansons connues de divers auteurs : Kenny Rogers (Just Dropped In), Bob Dylan (The Man In Me) et quelques reprises non moins alléchantes (Hotel California reprise par les Gipsy Kings et Dead Flowers des Rolling Stones par Townes Van Zandt). Une discographie impressionnante qui donne à The Big Lebowski tout son panache et son incroyable aura sympathique. Comment ne pas tomber sous le charme ?

Un immense plaisir que se sont fait-là les frères Coen ! Et grandement partagé, qui plus est ! On ne peut que sourire voire s’extasier face à ces réparties qui fusent, ces personnages aussi endiablés que le reste du film, ces moments délirants tout droit sortis d’un rêve. Sans nul doute l’une des meilleures comédies que nous aient livrée Ethan et Joel de toute leur carrière. Un film vraiment big !

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le 8 nov. 2013

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