Nolan, on le rêve Kubrick, il n'arrive qu'à jalouser Michael Bay.
Je suis étonné de lire autant de critiques où apparait l'idée que Nolan n'a pas réalisé cet ultime opus du Batman car trop éloigné de la qualité de son Dark Knight.
En un sens, je ne peux pas dire que The Dark Knight Rises m'a déçu dans la mesure où il synthètise admirablement bien ce que j'apprécie et exécre chez Nolan dans toute sa filmographie. Il y a des bons côtés mais aussi des tics irritants qui me font ressortir de la salle avec une migraine terrible.
Les tics que j'ai toujours ressentis chez lui, les voilà :
- faire une intrigue inutilement alambiquée. Je veux dire. Basiquement. Si on extrait du film son histoire sans s'occuper de la réalisation. C'est un méchant qui viole le héros par tous les trous et va poser une bombe pour tout faire sauter. C'est simple, brut, déjà-vu mais pourquoi pas, c'est suffisamment ressassé pour être en terrain connu et pour permettre d'y greffer des éléments sortant de l'ordinaire pour peu qu'on ait l'imagination féconde. Sauf que les frères Nolan, ils semblent tellement gêner d'avoir pondu cette histoire somme toute bateau qu'ils se sentent obligés de te foutre des péripéties et des arcs narratifs inintéressants pour te camoufler la simplicité de l'idée de départ et te donner l'impression de voir quelque chose d'incroyablement novateur. Et déjà, avec toutes ces séquences sans intérêt (le membre du CA qui se veut calife à la place du calife, toutes les explications inutiles sur le noyau nucléaire), t'as le temps de te perdre dans les méandres d'une intrigue mal branlée et de pioncer à quelques moments. Surtout qu'ils se permettent de ressasser les mêmes enjeux que dans The Dark Knight (opposition entre prisonniers et habitants de Gotham, enfermement dans un lieu clos des deux camps, etc.), on se demande si c'était bien la peine de nous bourrer le mou.
- faire des scènes d'action cools mais sans réelles justifications ou nécessités. En soit, c'est assez noble de voir que Nolan veut faire plaisir à son spectateur en lui offrant de l'action à gogo. N'empêche qu'il faudrait 1/ que ça serve strictement l'intrigue 2/ qu'il y ait une progression dans ces scènes d'action. La première scène du film est incroyablement badass (pour peu que tu suspendes très longtemps ton incrédulité, mais c'est le principe du cinoche, mec), mais elle ne sert qu'à introduire le personnage du Docteur Pavel qui doit prendre en tout et pour tout 1 minute à l'écran (la scène, elle, en dure 5), Bane étant beaucoup plus impressionnant dans sa deuxième séquence (dans les égoûts avec Gordon) et elle ridiculise même le final en pet de lapin. De même, la séquence précédent Gordon dans les égoûts, où les flics de Gotham et les mercenaires de Bane se canardent, alors qu'elle ne constitue qu'une péripétie nécessaire sans être centrale dans l'intrigue, est d'une violence supérieure au final à la matraque. Bordel, Nono, essaye un peu de faire monter ta sauce progressivement.
- alambiquer son scénario et faire des scènes d'action presque 'gratuites' (y a bien des éléments qui sont distillés, mais qui auraient pu l'être autrement pour préserver l'intensité des scènes d'action strictement nécessaires à l'intrigue), ça amène le scénario à accumuler les incohérences (Catwoman au milieu de pleins de méchants ? Batman poppe dans le coin sans raison, youpi) et les facilités (Catwoman est le GPS de Gotham : elle sait à n'importe quel moment où se trouve chaque personnage important dans Gotham, c'est un bonheur) à la pelle qui, si tu t'y arrêtes, te font facepalmer tellement c'est con et nul.
- et enfin, cette volonté de Nolan de tout expliquer par les dialogues, de manière totalement anti-cinématographique puisqu'il ne fera pas passer ses éléments par la mise en scène mais par les personnages qui vont t'exposer pendant une minute leurs sentiments (Alfred, c'est un festival ; pourtant j'adore le personnage et ce sont ses SEULES scènes), leur compréhension de l'intrigue (Blake qui te sort naturellement tout un speech sur les lois et la nécessité de parfois les transgresser parce qu'il a compris où Nolan voulait l'emmener, histoire que le spectateur sachent qu'il y a eu du brainstorming chez les Nono) ou pour montrer que la boucle de l'histoire est bouclée (Batman a une bombe nucléaire dans le cul et il te parle du manteau de Gordon dans un speech incroyablement bavard : mais oui...).
Sans compter ce contrechamp final sur le regard d'Alfred, d'une connerie monumentale, annihilant toute tentative poétique, tout achèvement du Mythe qu'il a pourtant essayé d'ériger sur 3 films.
Non, Nolan a besoin de TOUT te montrer, que tu comprennes TOUT par la parole ou l'image, pas par la mise en scène. C'est donc un bon scénariste (y a dans son intrigue des idées géniales qui, bien exploitées par un vrai cinéaste, pourraient effectivement faire un chef-d'oeuvre), mais un réalisateur tout sauf virtuose.
Mais je ne peux pas dire que j'ai été déçu : c'est du Nolan pur jus.
D'où cette note finale qui dépasse la moyenne, parce que ça se regarde (une seule fois, un replay doit rendre ça atrocement chiant), c'est joli (l'esthétique Hugo Boss ne me dérange pas), le casting est golden (Tom Hardy compose avec le nombre d'expression de Seagal et réussit à insuffler du charisme à son personnage : respect), ça raccroche les wagons de Batman Begins (l'opus était mauvais, mais pourquoi pas) et The Dark Knight (ça vire un peu au ridicule de voir qu'en 8 ans, on fait encore la cérémonie des funérailles de Dent, mais là encore, pourquoi pas) et il y a des séquences excellentes (le duel central, bondieu). Du divertissement très correct, au dessus de la moyenne, mais qui pêche énormément sur beaucoup d'aspects.
