The Dark Knight Rises Retour sur l'état de nature

Malgré d'importantes incohérences scénaristiques, ce dernier volet des aventures de Batman développe un des thèmes chers à Christopher Nolan, déjà amorcé dans The Dark Knight, le précédent opus : une critique subtile des sociétés de types sécuritaires.


Sorti en France le 25 juillet 2012, cet ultime épisode du Batman donne vraiment l'impression d'avoir été bâclé, sans doute la faute à un scénario démesuré, qui aurait mérité au moins deux long métrages. Malgré ses faiblesses, l'ambiance générale reste épique et maîtrisée.


Le début du film reprend les bases établies lors des précédents épisodes : une ville débarrassée de la pègre grâce au Dent Act (une loi mise en place par le maire de Gotham afin de lutter contre le crime organisé suite à la mort de Harvey Dent) qui permet l'incarcération de masse des criminels en s'asseyant sur les cinquième et sixième amendements.


Non seulement le Dent Act permet la détention sans procès publique, ce qui revient à priver les criminels de leurs libertés sans procédures légales régulières, mais surtout il met en place un véritable état policier où les droits civiques élémentaires ne sont plus respectés. Le concept de sécurité est donc bien au cœur de la problématique générale abordé par Nolan dans sa trilogie. L'analogie entre le Dent Act et le Patriot Act, est ici plus qu'évidente, et fait référence aux abus de la politique sécuritaire post-11 septembre de George W. Bush.


Le questionnement sur le concept de sécurité se fait donc dans un premier temps du point de vue politique et pénal, si le but fondamental d'une société civile et de ces lois est d'assurer la sécurité des individus qui la composent, peut-elle le faire au détriment de leurs libertés individuelles ? L'antagonisme entre liberté et sécurité, est une problématique importante en philosophie politique notamment chez Hegel dans les Principes de la philosophie du droit (un manuel de philosophie publié en 1820), plusieurs étapes scénaristiques du long métrage font évoluer le questionnement sur cette contradiction.


Au cours du film, le scénario oppose cette état sécuritaire à Batman, le défenseur des libertés (position adoptée par la plupart des super héros), que la force gouvernementale légitime, c’est à dire la police, perçoit malheureusement comme une menace depuis qu'il a endossé les crimes de Dent. L'idée est brillante puisqu'elle fait de Batman un personnage ambigu dans son rapport à la société qu'il a juré de protéger, et ses principes moraux qu'il doit parfois trahir afin d'agir pour le plus grand bien. Il se retrouve donc dans une position inconfortable où agir pour assurer la défense des citoyens compromet l'ordre publique et transgresse l'autorité légale.


Ce positionnement ambigu du héros, Nolan y fait directement référence dans The Dark Knight, lorsque le personnage du procureur Dent compare le Batman moderne au César de l'antiquité romaine, auquel le peuple confia les pleins pouvoirs dans une situation de grave crise politique, afin de rétablir l'ordre. Cette analogie moderne fait donc de Batman un héros par nature antidémocratique, qui n'hésite pas à détourner les technologies sécuritaires, sacrifiant ainsi les libertés individuelles du peuple, afin de justifier une action rapide dans un contexte de crise.


Dans The Dark knight Rises, Bane s'en prend directement au régime sécuritaire en place. Il se positionne comme un démagogue, qui soutient vouloir rendre à la population de Gotham la liberté d'agir comme bon lui semble. Dans un premier temps Bane s'attaque directement à la bourse, symbole du système capitaliste américain. Il s'en prend ensuite aux infrastructures même de la ville, l'isolant ainsi du reste du monde, pour en faire le terrain d'une expérience sociologique libertaire. Dans le film, Bane commence par dévoiler le secret de la mort de Dent, dénonçant ainsi le retour à l'ordre du précédent opus, basé sur un mensonge, et en libérant tous les prisonniers politiques. On peut y voir un parallèle évident avec les mensonges de l’ère Bush. Puis Bane pousse la population de Gotham à prendre le contrôle des quartiers riches, et permet aux habitants de la ville une redistribution des richesses aux plus démunis. Par la suite il met en place un tribunal populaire, présidé par le personnage de l’épouvantail de Batman Begins.





Malheureusement, Christopher Nolan ne va pas plus loin dans son analyse de la société américaine moderne. Néanmoins, en tant qu'auteur il pose tout de même le constat d'une véritable obsession sécuritaire, au détriment des libertés des individus qui composent nos sociétés démocratiques modernes. En effet dans le film, Bane est un terroriste dont le but final est la destruction de Batman et Gotham City. En promouvant l'anarchie, Bane cherche à rétablir un état de nature où les individus on la liberté de faire ce qu'ils veulent. Mais sa prise de pouvoir et son expérience sociologique sur la population de Gotham ne sont qu'un prétexte. Le film adopte une position manichéenne entre le bien et le mal, la lutte entre Bane et Batman. Celle ci représente alors l'affrontement entre l'ordre établis représenté par Batman et la police de la ville, et les anarcho-nihilistes à la solde du terroriste Bane.


Liberté et Sécurité sont deux notions étroitement liés en philosophie, dont l'imbrication constitue la nature même du contrat social, sur lequel repose la transition entre cet état de nature et une société organisée. Dans sa trilogie, Nolan ne dépeint pas seulement cette transition sociétal, il utilise la position ambigu du héros, pour remettre en cause notre conciliation moderne entre Liberté et Sécurité, en dénonçant les abus commis par le gouvernement Bush et le patriot Act.
GabrielTelmal
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le 30 avr. 2014

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