Moi quand j’étais au lycée, il y avait deux choses que je détestais : la danse, et l’acrosport.
En fait ça m’emmerdait au plus haut point, et le pire c’est que j’étais obligé de choisir entre l’un et l’autre, finalement, par dépit j’ai choisi l’acrosport, car au demeurant rien ne pouvait être plus exaspérant que de se taper les figures acrobatiques de nénettes en tutu.

Il ne me restait plus qu’à composer des pyramides humaines grotesques avec mon équipe pour faire plaisir à ma prof masochiste, et assister à la vision d’horreur d’un pied couleur rouge sang – dont la teinte pouvait évoquer la gueule d’un breton alcoolisé - qui se posait délicatement sur mon épaule droite.

J’avais beau supplier la propriétaire de ce pied, d’enfiler des chaussettes, rien n’y faisait, ces dernières la complexaient (alors qu’en toute logique c’est son pied lui-même qui aurait dû la complexer !), et je devais donc subir pour l’éternité cette vision d’horreur.

Depuis ce traumatisme, je m’étais ainsi juré de ne plus jamais assister à un quelconque spectacle de danse, d’acrosport, où autres conneries ou plusieurs individus s’imbriqueraient les uns dans les autres, façon partouse géante.

C’est donc l’esprit hagard et bienveillant, que j’ouvrais la porte de la salle numéro 5 d’un vague cinéma parisien, pour assister à la diffusion du dernier film de la trilogie Batou Nolan, intitulé sobrement « The Dark Knight Rises ».

Mais j’ai immédiatement senti les résurgences des vieilles nausées lycéennes, jusqu’alors oubliées, remonter à la surface de mon palet. J’avais dû me gourer de salle, je n’assistais pas au Batman qui autrefois, alors que je n’étais qu’un enfant, me faisait peur et rêver.

Non j’assistais à un odieux spectacle, vraisemblablement chorégraphié par Kamel Ouali, où il y avait énormément de personnages déguisés un peu n’importe comment, qui bougeaient dans tous les sens et sans logique, sans raison, et qui à chaque fois qu’ils se rencontraient, se foutaient des bourres-pifs dans la tronche, au cours de combats interminables.

Il est pas con Kamel Ouali, dans la profession on a toujours su qu’il était un spécialiste du « random spectacle », maintenant il s’est mis au « random film ». En gros, Kamel, pour avoir l’idée d’une chorégraphie, il utilise des chapeaux dans lesquels il met des étiquettes sur lesquelles il écrit des thèmes comme Louis 14, Dracula, Cléopâtre, Moïse, D’artagnan, Highlander, et des styles de musiques comme Reggae, rap, punk, pop, metal, et puis il tire au pif deux étiquettes et obtient la ligne directrice de son prochain spectacle.


Et bien dans Batman, il a fait pareil, mais il a poussé la logique tellement loin, qu’au final, le film donne vraiment le sentiment d’avoir été scénarisé/réalisé/dirigé de façon totalement hasardeuse.

La liste d’incohérences et de trous dans le scénario est abyssale, de A à Z rien ne tient la route.

En plus des dons de divination, des pouvoirs magiques (Bane est quand même capable de générer des motos à l'intérieur de la Bourse) et d'ubiquité de tous les personnages du film qui sont toujours au bon moment, au bon endroit, le film multiplie les séquences où sans raison particulière l'un d'eux se met soudainement à sortir des tirades pseudo philosophiques de façon totalement aléatoire.

Même à l'époque de Schumacher où l'esprit des films était autrement plus décontracté, et assumait pleinement son côté cartoon, on n'avait pas des aberrations de ce niveau-là, et pourtant Nolan s'est fourvoyé durant toutes ces années à nous présenter son batman comme un film bien plus sérieux, réaliste et crédible que tout ce qui avait été réalisé jusqu'alors, belle blague.

Donc si on fait les comptes, on a le droit au double effet Kisscool.
D'une part on se tape le pseudo style sérieux et réaliste de Nolan, ce qui fait qu'on ne rigole pas une seule seconde, et qu'il n'y a absolument aucun humour ni aucune drôlerie dans tous ces films interminables, gonflants et complètement cons.
Gotham City est devenu un produit générique des villes américaines modernes, sans charme, sans personnalité, plat et fade. Les personnages sont gentillets et profondément ennuyeux.
Et d'autre part, on se tape un scénario totalement pourri.

Ca fait quand même beaucoup.

Mais ça n'est rien à côté de l'autre tâcheron en oeuvre sur ce film qui aurait été un parfaitement complément à la vente de temps de cerveau disponible préconisée par Patrick Le lay, j'ai nommé Hans Zimmer.


Zimmer multiplie les percussions nauséeuses avec ses 55 pistes sur fruity loops, histoire de singer des musiques épiques pour en foutre plein la tronche au spectateur avec sa grande finesse teutonique.

C'est bien simple, Hans ne compose pas, il fait de la bouillie auditive, du sirop, de la grenadine. A la fin de la diffusion 2H45 je n'ai pas eu l'impression d'avoir assisté à du grand spectacle, mais simplement d'avoir subi un lavage de cerveau fomenté par Edward Nygma.

Un peu comme Alex Delarge dans "Orange Mécanique", j'aurais vraisemblablement songé à la défenestration si j'avais dû endurer le spectacle sonore une demie heure de plus.

Reste alors la nostalgie, nostalgie des films de Burton, et allez n'ayons peur de rien des films de Schumacher.
Et la comparaison pour l'un comme pour l'autre, avec Nolan, est sans pitié.

Nostalgie...

Et ce n'est pas la peine de chercher bien loin un élément de comparaison entre Tim Burton et Christopher Nolan pour mesure à la fois l'écart de classe, d'intelligence, de subtilité, de classe, d'élégance et de sensualité entre les deux réalisateurs.

Il suffit de constater la différence de traitement du personnage de catwoman.
Là où chez Nolan, on a une catwoman gentillette, avec une jolie silhouette, accessoirement cuistot et voleuse du dimanche, chez Burton on obtient un personnage névrosé, psychotique, flamboyant avec un background époustouflant, une naissance effrayante et hyper travaillée, un cadre et un contexte riche d'idées et de trouvailles, bref un véritable personnage passionnant et imprévisible.
Je n'ai pas mentionné le pâle remake de la scène du bal qui fait particulièrement peine à voir, ni la love story avec Batman totalement bidesque, dans le film de Nolan, là où chez Burton, les étreintes étaient passionnées et littéralement dévorantes.

Quant à Bane - certes Schumacher faisait de batman des navets qui seront, et c'est ma prédiction, considérés comme des chefs d'oeuvres d'humour inégalables d'ici quelques siècles - au moins il fermait sa gueule, et ne récitait pas d'interminables monologues, en se contentant de borborygmes types "BAAAAAAAAAANE" "GRrrrrrrrrrrRRRRRRRRRrrrrr GRRRRRRRrrrr", ce qui, il faut l'avouer, à le mérite de ne pas cumuler prétention et connerie.

Enfin pour conclure plus sérieusement, l'univers de Tim Burton arrivait tout en gardant un esprit cartoonesque hautement marqué et assumé, à insuffler à l'image du comics d'ailleurs, énormément de noirceur, de tragédie, et de folie dans l'univers de batman (il suffit de voir le traitement du pingouin dans batman returns pour s'en convaincre) et achever là un cocktail parfait qu'on ne retrouve absolument pas chez Nolan, dont les films sont à la fois moins noirs, moins drôles, moins puissants, moins intéressants et pire alors que c'est l'argument premier de ses fanboys, moins fidèles à l'esprit du comics originel (il suffit de voir les traitements totalement what the fuck réservés à des personnages pourtant essentiels comme talia al ghul ou robin).

Bref la trilogie Batman de Nolan constitue probablement l'une des plus grosses impostures jamais réalisée au cours des années 2000 et fera date comme exemple de film daubique sans intérêt complètement surcôté par des hordes d'ahuris décérébrés. Enfin libérés!

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le 10 mars 2013

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KingRabbit

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