aout 2012:

Je l'ai vu hier et plus le temps passe, plus ce sentiment d'étrange déception se diffuse dans mon esprit. Étrange parce que pendant le visionnage déjà je ressentais quelque chose de très difficile à appréhender et qui rendait le spectacle presque apathique, pas toujours mais souvent sans grande saveur. A la sortie de la salle, je savais que je n'avais pas vu un très grand film, mais c'était difficile à décrire. C'est toujours assez flou d'ailleurs à l'heure actuelle.

Une chose était sûre : une nouvelle fois -cela devient une règle chez Nolan- le film est beaucoup trop long, sans raison valable. Soit que certaines scènes sont étirées démesurément, soit que leur présence est superflue.

La démesure, parlons-en, elle frise par moments le grotesque, ce qui n'était pas du tout flagrant dans les épisodes précédents de la série Nolan. La première scène spectaculaire, mais longue et inepte, (le rapt dans l'avion) déborde le sens commun. On peut d'entrée se demander en quoi elle a pu être jugée nécessaire.
La confrontation et le combat de rue entre "gangs of New-York" et "outsiders" a de quoi faire rire également. C'est quand même navrant d'en arriver à cette outrance nanaresque pour une série aussi haut de gamme jusqu'à maintenant.

Ce qui déçoit le plus, ce sont les nouveaux personnages secondaires. Bane (Tom Hardy) n'offre que de très rares aspérités auxquelles se raccrocher pour s'intéresser un tant soit peu à son cas. Lisse, archétypal, voilà un méchant qui laisse très peu de marge à l'acteur pour exprimer quoique ce soit d'émouvant ou d'effrayant.
Sa relation avec Marion Cotillard est esquissée trop brièvement. Elle même est assez plate. Sa partition n'est pas aussi nette qu'on pourrait l'espérer pour justifier tous ses actes.

Que dire de Catwoman? Passera-t-on sur l'évidente erreur de casting en ce qui concerne Anne Hathaway? Non, tellement évidente, tant la comédienne est beaucoup trop chétive pour un personnage si charnel et sensuel. Il y a effectivement dans son regard assez de subtilité et d’ambiguïté, certes, mais le reste est aux pâquerettes : trop frêle, sans viande autour de l'os, cette Catwoman ne suscite aucun désir, aucune passion ni même sympathie. Vide, l'enveloppe sonne creux, se froisse et finalement, on oublie très vite qu'elle est Catwoman. Quand on a vu la souffrance, la perversité et l'abandon au chaos et à la solitude auxquels Michelle Pfeiffer avait si bien livré son personnage, on ne peut que se rendre compte du fossé qui sépare les prestations des deux actrices. Une fessée.

Et puis, on ne compte plus les invraisemblances du scénario qui finissent de noyer l'espoir de voir un grand film. Mais pour autant peut-on parler de mauvais film? Ce serait foutrement inapproprié, un raccourci injuste.

D'abord, la mise en scène de Christopher Nolan est toujours agréable, peut-être un peu moins imaginative et surprenante qu'auparavant, mais le style léché, avec cette belle photo de Wally Pfister aux couleurs passées et sombres, se reconnait et fait plaisir à retrouver.

J'ai bien aimé également l'aspect politique, anticapitaliste du film. D'abord parce qu'il m'a semblé très surprenant de voir tenir un tel discours dans un film mainstream américain. Ok, ce discours est tenu par les méchants terroristes, mais il est suffisamment clair qu'il sert de couverture perverse aux actes délibérément apolitiques et nihilistes de Bane. Il n'empêche, ce "tribunal du comité de salut public" ou cette terreur révolutionnaire s'érigent sur un discours anti-Wall-Street, sur l'idée de suppression des privilèges. Nul doute que cette vision altermondialiste n'avait jamais été portée de manière aussi saillante dans un film hollywoodien, mais tout autant patent est le fait que le cinéma américain est très souvent prompt à récupérer l'actualité. On peut par conséquent y voir celle des indignés qui se sont manifestés de par le monde sans trop craindre de se tromper. Je n'irais pas jusqu'à dire que cet Batman là est gauchiste, mais cette lecture politique peut trouver quelques arguments cohérents. Et en cela, c'est déjà un sujet d'étonnement. J'aimerais bien connaitre les pensées de Nolan sur ce point et l'histoire de ce scénario pour savoir comment on en est arrivé à ce qu'Hollywood accepte tout cela. Sans doute que le fait que les barbares terroristes soient en apparence les seuls à porter ce désordre au pinacle a dû suffire.

Autre sujet de surprise, l'introduction de Robin (Joseph Gordon-Levitt) dont la souplesse intellectuelle ne fait guère de doute sur l'identité dès le début, presque une passation de pouvoir alors que je croyais que Nolan et consorts en avaient finis avec la franchise.

En fin de compte, je n'arrive pas à trouver un grand intérêt à ce film dans le grand roman général de cette série de Batman. Tout cela était bien évitable. Le plus important avait été décrit dans les précédents opus. Celui-là n'apporte pas grand chose. Passable, oui.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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