Wong Kar Wai n’a pas fini de séduire et si le réalisateur prend son temps pour réaliser ses films, on comprend mieux pourquoi en voyant le résultat époustouflant : après un My Blueberry Nights en demi-teinte, il revient et prouve qu’il est toujours aussi doué. Un biopic sur l’histoire de la Chine, une histoire d’amour impossible et forcément des scènes de combats époustouflantes, de par la maîtrise des chorégraphies et d’une gestion des ralentis toujours aussi grandioses achèvent de faire de The Grandmasters l’une des réussites de l’année.
Wong Kar Wai va donc nous faire traverser plusieurs époques troubles de l’histoire de la Chine, passant du printemps de la vie d’Ipman à son hiver, où l’ancien héros va peu à peu perdre tout ce qui lui est cher. Interprétés par des acteurs formidables dans leurs rôles, ayant dû apprendre les arts martiaux pour l’occasion, on sent que chacun est impliqué dans cette entreprise. Pour preuve, l’entraînement de Tony Leung durant il s’est cassé une première fois le bras pour se le briser à nouveau car il avait repris les exercices trop tôt.
Ici, on peut parler de technique au service du récit. Sans esbroufe, le film sait nous impressionner par ses ralentis prodigieux et des scènes de combats délicieuses sans pour autant oublier la psychologie des personnages. Critikat disait pendant le festival de Berlin que le film passait trop vite à travers les époques et pourtant, c’est tout le contraire. Via un cheminement sinueux, mais pas prétentieux, on comprend peu à peu ce qui fait le lien de ses personnages aux destins croisés et leurs rapports deviennent toujours plus passionnants.
The Grandmasters c’est aussi la lutte de la Chine traditionnelle face à divers envahisseurs, des Japonais aux communistes, la grandeur d’une culture qu’on gagne à connaître face à la guerre et l’invasion de son territoire via notamment le Kung Fu. Qu’on se le dise, la définition de cet art martial par Ipman, définissant un être vertical, vainqueur face à un perdant, à l’horizontal ne cesse de s’expliquer et finalement les combats ne font que servir au mieux le récit d’une vie, des épreuves à surmonter face à l’oppression et les concessions à faire. Et si Ipman plie, il ne fait qu’esquiver, pour mieux rendre les coups. On le voit tour à tour heureux et triste, mais toujours passionné de son art, ayant la volonté de le faire perdurer, quoiqu’il en coûte.
A noter également que Wong Kar Wai est très certainement le réalisateur qui sait le mieux mettre en avant la grâce de ses acteurs et plus particulièrement de ses actrices. Zhang Ziyi n’impressionne pas seulement, elle crève l’écran et toute la subtilité du maître est de mise pour mieux appréhender son personnage, dure et tendre mais toujours extrêmement dangereuse dans une danse dont on ne se remet pas. L’honneur que les héros cherchent à faire perdurer se transmet au spectateur, les frissons parcourent les corps dans la salle et on se plait à vivre la vie de ces maîtres, à les suivre dans leurs mouvements, dans leurs vie et à travers les combats.
Sans se parodier, le réalisateur réussit à traiter ses thèmes fétiches. L’amour impossible est bien présent, sans inonder le récit qui se veut ailleurs. On reconnaît là son amour pour sa culture et Hong-Kong est encore présentée comme refuge obligé. On est en territoire connu mais voilà, la surprise est toujours là et elle est toujours aussi agréable. On reconnaît le style d’une mise en scène toute en finesse, sans s’en lasser. C’est beau, c’est grand, un véritable coup de cœur.
PS : Wong Kar Wai aime filmer énormément et malheureusement, de nombreuses parties ont été coupées au montage. A quand une version longue, pour pouvoir toujours plus apprécier le film et les intrigues annexes ?