Dernier film de la trilogie, où le mille-pattes humain aboutira (500 personnes et maintenues en vie) en prenant une dimension industrielle. Il arrive porté par un buzz énorme ; déjà, le second atteignait des sphères improbables. C'est étonnant de retrouver, sur des sites mainstream et tout-public, un produit normalement connu principalement des amateurs de pellicules barrées. Comme pépite malsaine, il y a largement plus riche ; en revanche Tom Six a battu des records dans la sauvagerie que seul le Z underground voir les fake snuff peuvent normalement se permettre. HC3 a été laminé par la critique, censuré en Grande-Bretagne et n'est pas sorti en salles hors des USA, mais il a obtenu une attention surréaliste, alors qu'il est loin d'avoir les qualités des torture porn des années 2005-2009 tels que Saw ou Hostel.


Tom Six s'engageait à faire du II « un Disney » à côté de cet ultime opus (puis a précisé : sur le plan psychologique). En terme de dégueulasseries et d'aperçus de misère humaine, le Final ne vaut pas Full. Par sa fièvre il le surpasse et est, comme promis, « 100% politiquement incorrect ». Non qu'il soit fin, mais c'est bien le cas ; outre la suggestion du mille-pattes comme antidote au crime, il moque quand il le peut quelques minorités ethniques et religieuses, souille tout le monde sur son passage. Le film est habité par un nihilisme rageur quoique artificiel, sans référentiel solide. Il est trop dément pour être un temps soit peu cohérent dans sa charge ou même dans sa violence ; c'est surtout un cri insensé nuancé par le dégueulis gratuit. Hormis pour rappeler que les pédophiles mériteraient d'avaler la fiente des camionneurs, Tom Six n'est absolument pas structuré. Il envoie son shocker, laisse discuter, s'enflammer, créer un mythe ; et cette fois ça a été la tolle quasi unilatérale.


Et comme pour le II, on vient voir en se doutant que Final Sequence risque d'écoper d'une évaluation médiocre ; car il y a l'espoir d'un dépaysement, d'un gros morceau ; c'est la curiosité trash de l'année, la bête immonde (et branque, certes) de sortie. Human Centipede III tient le pari s'il s'agit d'épater par l'immoralité crasse, mais c'est loin d'être un déluge de visions d'horreurs : c'est d'abord un nanar odieux et purulent ayant accédé au gros budget. L'inspiration dans l'abjection exulte avec le trou de rein et son viol, mais sur la longueur le plus sordide est la tenue du personnage principal, le directeur de prison. Pour interpréter cet espèce de chien psychotique digne des enfers de ScreamerClauz (artiste produisant en anime ce qui l'enverrait autrement en prison – Where the dead go to die), Tom Six ré-engage Diter Laser, le Dr Heiter de la First Sequence.


Dans la peau de Bill Boss, il campe un nouveau Dr Mengele post-moderne, très ambitieux, impliqué corps et âme dans son entreprise de dégradation. Il dépasse les projets sadiens, les scientistes à l'éthique diabolique ou les hommes de loi impétueux qui ont été ses prédécesseurs car son délire tient plus de la transe animale que d'une quête de pouvoir, de jouissance ou de déterminé à rester dans le champ de l'Humanité. C'est le fou parmi les barbares. Là-dessus, la démonstration que tente de greffer Tom Six est misérable : pour nous montrer 'le Mal', il invente un cinglé aberrant, s'appuyant sur les Etats-Unis d'Amérique (dénonciation courageuse inside), qui en plus fait sa petite révérence à Dieu avant de dévorer les couilles de son prisonnier le plus détesté. Les remontées misanthropes épiçant la bouillie de Tom Six sont comme le reste : ad hoc.


Leur poids est quasi nul, parce que HC3 est d'abord un happening bercé par la confusion et la désinhibition : alors il est arythmique, peu logique, ennuyeux finalement. Tom Six ne calcule rien, sait juste donner dans la surenchère et envoyer ce qui pourra remuer. La médiocrité de la mise en abyme en ouverture est alignée sur le reste. Néanmoins il arrive au film de s'élancer sur des pistes fructueuses, d'approcher la mise en forme d'un brûlot acquis à la perspective d'une corruption ultime de tout élan vital. Lorsque Laser Mengele annonce leur sort aux prisonniers, sa façon de bouillir est édifiante. Lorsque le nabot à moustache impose sa grande idée au directeur (vers 45''), le délire des deux protagonistes monte assez haut et leur confiance à ce moment rejaillira par la suite, par exemple lors des déclamations face au gouverneur.


Dans l'ensemble la décharge est aussi massive que brouillonne ; une cacophonie primaire avec des déjections hautes en couleur à la densité rachitique. Human Centipede III finit par décoller mais reste globalement accablant et quelque peu saoulant, musclé mais sans grande incidence pour qui a vu les précédents opus ; il n'a pas le pouvoir traumatique du second opus ni la force de l'initiative du premier. Tom Six donne dans l'humour avec ses moyens et son univers, donc avec une grossièreté de caniveaux, tout le temps. Des tortures, des gros mots, le cul suant de Bree Olson (transfuge du porno) et la salive autour ; c'est bien du nanar de dernière zone, où des bidasses freaks et hystériques se la jouent sadiques. La laideur du film est assez choquante, alors qu'esthétiquement le travail est faible, sans grand lien avec la démonstration générale, sauf s'il s'agit d'accoucher d'un déchet rédhibitoire. Les couleurs sont saturées, une espèce de orange gras dégouline sur chaque parcelle de pellicule. Pour les exploits beaufs en prison, sans énucléation et avec de la vanne de Grosses têtes plus légère, préférez De retour pour minuit.


https://zogarok.wordpress.com/2015/07/26/the-human-centipede-iii-final-sequence/

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le 26 juil. 2015

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Zogarok

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