Sur bien des aspects, The Murderer est l’expansion de The Chaser, le premier film de Na Hong-jin : reprenant ses deux comédiens en inversant leurs rôles, s’inscrivant sur des thématiques assez proches, au sein du polar coréen (vengeance, ultra violence), cet opus est plus long, plus ambitieux et plus vaste dans ses enjeux.


L’ancrage socio-politique sur la situation des clandestins chinois en Corée permet un statut particulier du personnage principal : clandestin, parachuté pour une mission éphémère, il n’est jamais à sa place. On retrouve cette volonté de mêler plusieurs enjeux, individuels et criminels, qui structuraient déjà The Chaser : ici, en plus d’exécuter un homme, le proscrit enquête sur la disparition de sa femme dont il a payé le voyage vers l’Eldorado coréen.


La première partie est de loin la meilleure : la nervosité de la mise en scène sur les parties de mah-jong dans lesquelles il se perd, la laborieuse mise en place du meurtre dans cette complexe cage d’escalier occasionnent de longues scènes dépourvues de dialogues dans lesquelles s’installe une atmosphère assez désespérée.
Na Hong-jin n’est pas très habile dans le domaine sentimental : la lourdeur des symboles (les cadres brisés du mariage ou de la photo de l’enfant), des images (les phantasmes d’adultère) plombent un peu la caractérisation du personnage, surtout au vu de son évolution sur l’intrigue générale.


Car la qualité reste celle des accidents de parcours : rien ne se passe jamais comme prévu, et le meurtrier, avant tout un « jonseonjok » (clandestin) est surtout un pantin. De carambolages en imprévus, Gu-nam est ballotté au gré d’un scénario qui ménage une violence croissante, et qui lorgne de plus en plus vers le cinéma plus balisé de Park Chan-wook et Kim Jee-woon. La transformation de Gu-nam en machine à tuer manque beaucoup de vraisemblance, et on lui préfèrera largement le personnage déjanté de son employeur, le génial Kim Yun-seok, mac rustre dans The Chaser. Trafiquant de chien à la machette leste, il transforme le film en une tuerie sans nom, dans laquelle, une fois encore, on ne peut se reposer sur le statut de héros ou de gentil pour s’assurer de voir certains épargnés au profit d’autres.


La violence, chez Na Hong-jin, est souvent laborieuse : certes, l’ennemi tombe vite, mais lorsque les protagonistes s’empoignent, les coups sont longs, la pénibilité affichée.
Dans un monde de plus en plus noir, où tout se trafique, des chiens aux migrants, le souffle est à la fois ample et court : les individus ne semblent agir qu’en se télescopant aux autres, n’avancer qu’à coups de lame dans les corps qui leur barrent le passage.


La routine guette tout de même, et le déséquilibre entre le film intimiste des débuts, et le primat accordé à la méticulosité, frustre un peu par le grand spectacle plus stérile auquel il finit par faire place. Na Hong-jin maîtrise incontestablement la grammaire filmique : lui reste à trouver un sujet qui soit un peu plus personnel.

Créée

le 24 juil. 2016

Critique lue 2.9K fois

53 j'aime

2 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

53
2

D'autres avis sur The Murderer

The Murderer
VaultBoy
8

Eprouvant, oui, je crois que c'est le mot

Autant The Chaser m'avait paru très carré, voire ciselé, autant ce Murderer (encore un titre anglais pourri made in France...) m'a laissé une profonde impression de chaos. Dès les premières images,...

le 1 août 2011

73 j'aime

13

The Murderer
Sergent_Pepper
7

Clandestin funeste.

Sur bien des aspects, The Murderer est l’expansion de The Chaser, le premier film de Na Hong-jin : reprenant ses deux comédiens en inversant leurs rôles, s’inscrivant sur des thématiques assez...

le 24 juil. 2016

53 j'aime

2

The Murderer
Raoh
5

Les flingues n'existent plus, place aux couteaux.

Quelques temps auparavant, Hong-jin Na réalisait The Chaser, un thriller terrible avec de nombreuses qualités. C'est donc sans hésitation particulière que je me suis plongé dans son nouveau film, The...

Par

le 6 août 2011

32 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

700 j'aime

49

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53