The Truman Show, un film touché par la grâce, de son réalisateur Peter Weir d'abord, qui a rarement été autant au sommet de son talent depuis, de Jim Carrey ensuite, qui a fait taire avec ce film, les mauvaises langues qui expliquaient qu’il n’était qu’un acteur comique agaçant, grimaçant pour divertir le bon peuple. The Truman Show est un film à part qui traite d’un sujet à part, d’une manière unique et, même si Jim Carrey a su se faire autre dans ce rôle, il a su garder cette part de lui-même qui plait tant, d’acteur comique hors norme.


Peter Weir a filmé une allégorie, à travers le sujet de la téléréalité il a voulu démontrer que les téléspectateurs se prennent pour des Dieux, qui n’ont ni plus ni moins qu’un point de vue omniscient sur l’émission qu’ils regardent. Truman n’a jamais quitté sa ville depuis sa naissance, il mène une vie tranquille, dans une maison tranquille, entouré d’une femme tranquille avec laquelle il a fait un mariage tranquille, il a un voisin tranquille et des amis tranquilles, il a un boulot tranquille, boit des bières tranquilles et a des divertissements tranquilles bref, Truman a tout pour être heureux mais Truman s’ennuie. Truman n’est pas heureux, car il en assez de vivre chaque jour la même journée, il en a assez de cette vie balisée et répétée à l’infini. Même planning et mêmes gestes chaque jour que Dieu (Ed Harris) fait. Problème, chaque fois qu’il veut aller respirer l’air plus loin, on lui barre la route en prétextant, par exemple, un immense accident chimique. Alors Truman se résigne à cette vie balisée, jusqu’au jour où il découvre des choses pour le moins étonnantes dans ce qui l’entoure…


Peter Weir a filmé une allégorie, celle de la Création Universelle, jusque-là réservée à Dieu et dont s’emparent ici les hommes pour donner naissance à une émission de téléréalité dans laquelle Ed Harris décide des faits et gestes de chacun, du temps qu’il va faire bref, du sort de Truman. Par là même, Peter Weir se prend lui aussi pour Dieu, il décide de son histoire, du sort de ses personnages et du temps qu’il fera. Truman est cet homme servile et soumis au commencement et qui décide, de lui-même cette fois, de quitter le jardin d’Eden. Le talent de Peter Weir est au sommet pour un point précis, qui va au-delà de la réalisation, des performances d’acteurs et d’une histoire magnifique. Le talent de Peter Weir est au sommet parce-qu’il arrive à démontrer sans trop montrer. Ce qu’il nous montre l’est par la nécessité d’avancer dans le scénario, il suggère le reste du temps et ne change pas son film en rouleau-compresseur.


Si Jim Carrey s’était fait connaitre avec The Mask, il s’est révélé avec Truman Show et a une nouvelle fois démontré que n’arrivent à faire rire, que les acteurs qui ont en eux une grande sensibilité. Jim Carrey fait beaucoup rire. Il touche tout au long du film, par sa naïveté au début, celle d’un homme trompé et qui se persuade que sa vie est exactement telle qu'il l'a voulue. Celle ensuite d’un homme qui se bat pour sa liberté de choix et symbolise la victime dans toute sa détresse, dans toute son incompréhension. Car au fond, Truman n’est qu’une victime innocente, innocente car n’ayant jamais fait le moindre choix susceptible de l’entrainer dans cette vie, sa rébellion en sera d’autant plus déterminée, au point même de lutter contre ses phobies les plus profondes. Son face à face avec Ed(ieu) Harris (Reconnaitra-t-on un jour cet acteur à sa juste valeur ?) est des plus étonnants. Outre le talent connu et reconnu de ce dernier, c’est la douceur de leur confrontation qui étonne, celle d’un père malgré tout bienveillant et de son fils qui veut grandir. Celle d’un réalisateur de show télévisuel et de sa créature. Il y a de tout dans ce film, il y a le créateur et l’homme, le père et le fils, Frankenstein dépassé par sa créature, il y a en fait tout ce qui a trait au lien père/fils.


Quelle merveille finalement, un film profond qui à sa sortie a su attirer les foules les plus variées vers une profonde réflexion sur les limites de l’univers audio-visuel, sur les limites du pouvoir de l’homme sur l’homme. C’est probablement un cliché, mais cette histoire touche en plein cœur et on en doit une bonne partie à Jim Carrey, dont la justesse de jeu touche à la perfection. S’il pouvait y avoir des « films de chevet », celui-ci en ferait partie car, comme Le Petit Prince, il se voit et se revoit pour dispenser, au fil du temps, les leçons supplémentaires que notre maturité nous permettra de comprendre et comme, depuis, la téléréalité et devenue une réalité, ce film a gagné en pertinence.

Jambalaya
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le 10 déc. 2013

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