Désormais mondialement connu pour ses films tels que Le secret de Brokeback Mountain, L’Odyssée de Pi ou encore (à triste titre) Hulk, il n’aura cependant fallu qu’un seul film au taïwanais Ang Lee pour se faire un nom. Un long-métrage qui se présenta comme un immense succès critique, glanant sur son passage bon nombre de récompenses internationales dont quatre Oscars (Meilleur film en langue étrangère, Meilleure direction artistique, Meilleure photographie et Meilleure musique). Cette œuvre, c’est le célèbre Tigre & Dragon, véritable référence du cinéma d’arts martiaux moderne qui fit fureur lors de sa sortie (durant l’année 2000). Des louanges méritées ? C’est ce que nous allons voir avec cette critique !


Déjà, commençons par la première chose qui intéresse tout le monde quand on parle d’un film d’arts martiaux : les combats. Jusque-là, n’importe quel spectateur lambda avait en tête les chorégraphies low cost des vielles séries B du genre ou bien, dans le meilleur des cas, les longs-métrages avec le mythique Bruce Lee à l’affiche (La fureur de vaincre, La fureur du dragon…). Depuis l’année 2000, il faut compter sur Tigre & Dragon. Et pour cause, rarement des combats n’ont eu un tel impact auparavant. Ici, il ne s’agit pas de banal séquence filmée pour le divertissement et donc le plaisir coupable du spectateur, mais bien comme une véritable œuvre d’art durant lesquelles les comédiens, à fond dans ce qu’ils font, se livrent à des acrobaties hors normes. Ces dernières, embellies par des effets spéciaux ahurissants (sauf peut-être quelques fonds verts) et une mise en scène extrêmement soignée, sont d’une fluidité sans pareil et d’un spectaculaire à couper le souffle. Il suffit de voir les scènes de la cantine ou bien celles des arbres pour croire en leur crédibilité, en leur réalisme. On en oublie les différentes techniques cinématographiques utilisées pour leur réalisation (acteurs portés par un câble, quelques cascadeurs…) et on se laisse irrémédiablement prendre au jeu, que l’on soit fan ou pas de ce genre de cinéma.


Mais surtout, et il faut le noter, Tigre & Dragon a beau être un long-métrage d’arts martiaux, il ne mise pas tout sur les combats pour autant. Pour preuve, ces derniers ne constituent même pas la moitié du projet, c’est pour dire ! Le reste, du coup, préfère se consacrer à son histoire et ses personnages. Et c’est tant mieux ! En effet, il était toujours fâcheux de voir des nanars qui ne racontaient que du vide. Avec Tigre & Dragon, il y a enfin de la matière ! De véritables protagonistes qui savent exister à travers un récit subtilement écrit au point de se rapprocher d’une œuvre shakespearienne. Des moments riches en émotion et sensations fortes qu’on en oublie l’aspect classique de l’ensemble. Vous l’aurez compris : avec le long-métrage d’Ang Lee, on ne se divertit pas. On vit cette fresque romanesque avec beaucoup d’intérêt et même de passion, c’est pour dire !


Après, il faut néanmoins soumettre un problème de taille qui, à titre personnel, nuit grandement au film. Ce défaut, c’est sa narration. Si l’ensemble possède des qualités d’écriture incontestables, le tout se révèle pourtant un chouïa brouillon. Plus précisément, les situations s’enchaînent un peu trop rapidement, pouvant faire perdre le fil au spectateur (plusieurs fois il m’est arrivé de ne pas comprendre qui était qui dans l’histoire, ou comment il en arrivait là). Un constat que vient confirmer un trop long flashback (d’une durée de 20 minutes environs) venant s’incruster mine de rien au beau milieu du récit et cassant pour le coup un rythme déjà saccadé par la narration. Il est vrai qu’adapter le quatrième volume de la pentalogie littéraire de Wang Dulu s’est présenté comme une épreuve pour Ang Lee et ses scénaristes. Mais il y avait d’autres manières pour le faire sans pour autant gâcher (bien que cela soit un terme assez fort) le spectacle.


Malgré cela, l’ambiance du film saura mettre tout le monde d’accord, même ses détracteurs. Dans un paragraphe précédent, je le qualifiais de « fresque romanesque ». En regardant Tigre & Dragon, vous allez incontestablement voyager ! Vous tomberez sans aucun doute sous le charme de ces magnifiques paysages et décors. Vous vous ferez hypnotiser par de captivantes images, mises en valeur par une somptueuse photographie. Vous serez séduits par la beauté des costumes et leurs détails de création. Vous vous laisserez emporter par une musique envoûtante et magique au possible. Bref, avec Tigre & Dragon, vous aurez droit à une véritable poésie visuelle et sensorielle qui saura vous impressionner autant que ses combats.


Il est vrai que la narration (et surtout ce flashback sorti de nulle part) en perturbera plus d’un lors du visionnage. Sans compter le fait que Tigre & Dragon soit plus une fresque romanesque qu’un film d’arts martiaux pur et dure. Mais franchement, il serait regrettable de faire la fine bouche devant un tel spectacle. Avec ce long-métrage, Ang Lee montrait qu’il était un véritable cinéaste. Celui qui sait raconter une histoire tout en usant des diverses techniques cinématographiques pour l’enjoliver sans jamais faire défaut à son récit. En faisant preuve d’un talent et d’un savoir-faire indéniables, il a su nous livrer une œuvre intemporelle d’une telle beauté que cela devient un crime de passer à côté !

sebastiendecocq
8
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le 12 janv. 2016

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