Le Temps n'est QUE de l'argent

Time is Money. Time is Power.
Sorti sans grand bruit en 2011, Time Out est un thriller de science-fiction à l'ambiance prenante mais surtout à l'univers particulièrement original.

Au sein d'un futur proche, l'humanité a scientifiquement atteint le Graal dont elle a rêvée pendant des millénaires: la jeunesse éternelle. Mais cela a évidemment un prix; l'âge biologique est désormais remplacé par une réserve individuelle de temps, le temps exact qu'il reste à chacun pour vivre, et ce même temps devient la seule et unique monnaie mondiale. Là où les classes aisées peuvent vivre des siècles, les plus pauvres sont chaque jour soumis à plus de pression pour -littéralement- survivre.
Time Out relate ainsi une fable sociale évidente, mais la métaphore est plus profonde qu'elle n'y paraît:

Le temps est inégalement réparti entre les classes dominantes et modestes; les uns ne trouvant plus de joie dans une vie sans fin, et les autres luttant pour avoir le droit de vivre. Là où les plus défavorisées peuvent littéralement ne plus avoir de quoi "gagner leur vie", et décéder sans que personne ne leur vienne en aide, l'allusion au libéralisme radical apparaît.

De plus, observer les cours du temps à travers le monde, la surveillance opérée afin que les flux de temps soient dosées au bon endroit au bon moment, dresse un parallèle avec le monde de la finance.
En effet, le "stock" de temps est soi-disant limité, et ses réserves ne doivent en aucun cas être gaspillées à des buts altruistes, sous peine de perturber le marché et ses bénéfices. En bourse, là où des investisseurs s'enrichissent, d'autres y perdent. C'est une loi indéniable, qui se voit ici transposée à la seule variable pouvant décider de la vie et de la mort.
A ce titre, voler du temps n'est pas le seul crime que condamne le système. En donner, faire preuve de charité envers les plus démunis, est tout aussi cruellement puni. Par ailleurs, le film reflète l'obsession du monde moderne à théoriser et encadrer de lois mathématiques tout élément matériel ou humain (ex: il existe aujourd'hui un "marché" statistique de l'infidélité).

Enfin, ces lois cruelles brisent l'utopie scientifique. Elles démontrent que l'on ne peut tous vivre éternellement, que certains doivent mourir pour que d'autres accèdent à l'immortalité. Pourtant au final, ces mêmes chanceux immortels perdent le goût de vivre, telle une marque ironique de la décadence humaine. La morale réplique ainsi qu'il y aurait largement assez de temps pour que chacun puisse vivre heureux, si la cupidité et l'orgueil des hommes ne l'empêchait (allusion au partage des richesses dans le monde).
La maxime "Time is Money" est au final poussée à son paroxysme, dans une société déshumanisée où le profit est tout.

Niveau casting, de prime abord, "le" film de Justin Timberlake…Voir la star du showbiz au casting présageait un long-métrage jouant uniquement sur la réputation du chanteur. Ce qui n'est pas le cas, et j'en fut le premier agréablement surpris.
L'acteur ne joue au final qu'un bon héros malgré lui, enfant de classes populaires luttant avec ardeur pour changer son destin. Et Amanda Seyfried dispose d'un charme particulier pour incarner le fruit mélancolique des riches castes de la société. Enfin, toujours dans le volet casting, on retrouve Cilian Murphy; ce qui est un bon signe vu que l'acteur irlandais ne fait pas de mauvais titres. Ce dernier interprète bien le chef des gardiens du temps, ceux s'assurant que "l'horloge tourne", tels les juges d'Equilibrium (eux-mêmes inspirés de Matrix, on ne va pas vous refaire la chanson).

Autrement, le scénario de forme est moins original; à savoir le héros kidnappant la fille du méchant, qui au final va tomber amoureuse de lui et rejoindre ses idéaux… Mais comme expliqué plus haut, le véritable intérêt du long-métrage est son scénario de fond. N'oublions pas enfin une ambiance sonore étudiée, grâce au brillant Craig Armstrong.

En conclusion, si on lui pardonne quelques clichés inévitables propres aux films d'action, Time Out est un petit bijou de thriller SF, à la trame sophistiquée.