Détrôné au box office par Avatar en 2009 , Titanic bénéficie pour autant d'une renommée mondiale depuis sa sortie en 1998. Adulé par les uns, abhorré par les autres, renié bien souvent, l’œuvre de James Cameron – car c'en est bel et bien une – divise. Autant il peut être compréhensible de ne pas adhérer à cette immense réalisation sur des points purement esthétiques ou narratifs, autant mettre de coté cet objet filmique pour des raisons de popularité relève d'une bêtise aussi volumineuse qu'un iceberg. Plus encore, Titanic fascine et divise chacune de ces catégories de spectateurs : parmi les adorateurs, certains prônent la trame romanesque de l’œuvre, qui – selon eux - abandonne les éléments cinématographiques et psychologiques que l'on pourrait attendre d'une œuvre. Titanic serait alors une revanche doucereuse mais titanesque d'un cinéma ''léger''sur un cinéma en tant ''qu'art profond''.
Encore une fois, cela reviendrait à sous-estimer les qualités de la réalisation. Bien que Titanic se donne à voir comme pur choc visuel et sonore - et donc sensoriel et émotionnel – il se révèle maîtrisé de bout en bout sur le simple plan de la symbolique.
Loin du divertissement à suspens, il se positionne clairement à rebours des reconstitutions historiques, même romancées, d'où ce choix de dévoiler le sort de l'insubmersible paquebot dès l'ouverture. Il s'agit de redonner vie à ce paquebot abandonné dans les profondeurs, mais aussi d'apporter touches par touches une intimité et une humanité à son ultime voyage. Une chaussure, une paire de lunettes, un visage de poupée de porcelaine, un salle de bain ou un piano, autant de preuves de passage d'hommes et de femmes en cette nuit d'avril. Titanic recréé en temps et espace limités tout un pan de la société de l'époque, des pouilleux aux plus grands aristocrates, dépeignant tour à tour leurs coutumes et modes de vie à travers musique, danse, peinture, codes vestimentaires et actes quotidiens, jusqu'à les placer face à la mort et les transformer en vulgaires rats de laboratoires – rats que les passagers suivent d'ailleurs lors du naufrage – afin d'en observer les comportements. C'est d'ailleurs sur ce point que Titanic semble toucher son spectateur au plus profond, le confrontant à ses propres travers tout en le manipulant soigneusement grâce à la trame romantique – si ce n'est l'inverse -.
Titanic est donc un miroir aux multiples reflets à partir duquel il est possible de disserter à l'infini. A la manière de Brock Lovett, James Cameron en conteur talentueux fouille le passé pour en sortir des trésors, en recolle les morceaux pour reconstruire et sublimer l'Histoire, puis referme aussi simplement le livre de contes qu'il a ainsi ouvert, quitte – sans aucun doute - à y gagner quelques piécettes amplement méritées.
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