Le western vu par les frères Coen, ça donne forcément envie. Bien que leur travail ces dernières années aie perdu de sa superbe notamment avec le plus que décevant Burn after reading, le retour aux sources si l'on peut dire avec des retrouvailles notamment avec Jeff Bridges pouvait laisser penser à une pépite dans le cinéma indépendant américain, bien trop conformiste généralement.

Et c'est le cas. Sans être le nouveau chef-d'œuvre attendu de tous, True Grit s'avère efficace grâce à la performance d'acteurs convaincants et pêche par un scénario un tantinet trop classique, n'osant pas s'éloigner des sentiers battus. On comprend bien que le Marshall et le Texas Ranger interprétés respectivement par Bridges et Damon sont en terrain connu avec les deux frères et savent à quoi s'en tenir pour intégrer parfaitement le monde parfois déluré qui leur est propre. D'ailleurs, le résultat est là si bien qu'ils se fondent dans le décor, jusqu'à faire illusion et laisser le spectateur vagabonder dans des contrées à la fois belles et incroyablement dangereuses. Tant et si bien qu'on pourrait presque croire à un documentaire tout à fait d'actualité : la traque du fugitif, les nuits à la belle étoile, les dangers rencontrés, les bandits, l'instabilité constante de la nature et de ses défenses face aux hommes, la condition de cette jeune fille en marge de la société de par son habitation mais aussi de par ses convictions et son franc parlé, autant d'éléments qui font la réussite de l'exercice des frères Coen.

Toutefois, l'exercice va parfois trop loin et l'on peut croire au simple exercice de style, à la volonté affichée de ne pas produire comme à Hollywood en adoptant tout de même exactement les mêmes techniques, les mêmes histoires : faire du neuf avec du vieux, le remettre au goût du jour et grâce à une réputation solide de faiseurs de films indépendants, faire avaler la pilule au spectateur. C'est beau et c'est même un soulagement que de savoir qu'on peut encore produire des films de qualités en matière de western au XXIème siècle.

Le scénario, bien que convenu, remplit son cahier des charges : il nous tient en haleine, intéresse et permet aux personnages de développer des personnalités antagonistes parfois un brin caricaturales comme c'est souvent le cas dans les westerns et fait la part belle aux duels et aux guet-apens du genre. Tantôt dur et cruel, froid et sale, tantôt drôle et touchant, le film sait jongler avec des séquences différentes, sans casser le rythme tout de même assez lent (caractéristique des films des deux frangins) et surprend plus d'une fois.

La fin, notamment, ramène tout le monde à la réalité des choses et du far west, impitoyable envers quiconque tente de le conquérir, où la moindre imprudence peut coûter la vie. Et si la fillette doit survivre, c'est à un prix conséquent. Jeff Bridges assume très bien son rôle dès lors et brise sa carapace, en prouvant d'ailleurs qu'en vieillissant, son jeu n'a fait que s'améliorer. Aucun personnage n'est en reste bien entendu et prouve à un moment ou à un autre que le talent des frères réalisateurs en matière de direction d'acteurs et bien réel, qu'on y adhère ou pas.

Dans la tradition du genre, les frères Coen signent un film réussi, dont on se souviendra bien sûr mais sans toutefois réitérer des performances comme c'était leur habitude dans les années 1990. Qu'on aime ou pas le western, le film reste abordable grâce à une durée relativement courte et une histoire assez simpliste. Dans la lignée de l'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, on retrouve un western bien plus réel, bien plus ancré dans la réalité, preuve que le genre à évolué et veut s'adapter à une nouvelle époque, où véracité et réalisme sont deux critères à respecter pour plaire.
Carlit0
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le 1 mai 2012

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