True Grit par Mickaël Barbato
Mattie Ross est une jeune fille de 14 ans, d'apparence frêle et en deuil de son père, tué par un hors-la-loi pas très futé nommé Tom Chaney. Alors que tout fait de cette fillette une proie facile, elle va se révéler une nature de dure à cuire étonnante, à tel point qu'elle réussira à engager Rooster Cogburn, le marshall le plus violent de la région. Bientôt rejoint par Laboeuf, un Texas ranger bien au fait de la personnalité de Chaney, le trio se met en marche...
La cuvée 2011 de Coen est de grande qualité, qu'on se le dise. dès les premiers plan, leurs compositions de plan prennent au trip, tout comme la lumière et la photo. On pense notamment aux plans du flashback, mélange de poésie et de crasse, incroyables d'équilibre et de justesse. De là, le reste du métrage sera marqué par une perfection formelle épatante, et les réalisateurs réussissent le tour de force de marier leur personnalité, leur humour noir aux codes des westerns. Tout autant classique, de par le fait qu'il s'agit là d'un remake d'un excellent film, 100 Dollars pour un shériff, de Henry Hathaway, que crépusculaire, le plan final du train qui s'arrête faute de rails est assez explicite... et spaghetti, avec son "duel" clairement inspiré du Dernier jour de la colère.
Dur, âpre, visuellement plus qu'agréable, drôle, True Grit l'est. Il excelle aussi dans d'autres domaines, comme le mixage ou son montage impeccable, mais c'est l'interprétation qui frappe le plus. La grande attraction se nomme Hailee Steinfeld, qui donne une performance d'une justesse sidérante. Son regard criant vengeance, sa sensibilité qui découle de chaque mouvement, impossible de ne pas être immédiatement embarqué dans sa quête aux représailles. Visiblement totalement sous le charme de cette jeune inconnue qui fait la leçon aux plus grandes, les Coen la gâte dans des plans où sa force est captée, modelée pour en faire une figure qui restera longtemps dans les mémoires.
Moins improbable en tant qu'excellent acteur, Jeff Bridges assure une partition elle aussi sans anicroches. Particulièrement à l'aise quand il s'agit de cabotiner juste ce qu'il faut (la séquence de tir improvisée avec de la nourriture vaut son pesant de cacahuètes), il incarne à lui seul cet Ouest qu'on aimerait voir plus souvent sur grand écran, crade, impitoyable, mourant mais encore assez dur-à-cuire pour vous loger une balle entre les deux yeux en moins de temps qu'il faut pour le dire.
Même Matt Damon fait ici un sans-fautes, certes un peu en-dessous de ses deux collègues, mais plutôt convaincant dans son rôle de comique de la bande, véritable caricature du texan imbus de lui-même mais finalement assez inoffensif.
La séance laisse sur les rotules, les mains en prière en suppliant qu'on nous donne encore et encore de telles oeuvres, de ce genre devenu, aux yeux du grand public, ringard. Le 2,35:1 permet pourtant aux Coen de donner des plans d'une beauté saisissante, sans robots ni Na'vi, mais qui redonnent espoir en un cinéma de qualité, de celui qu'on pensait sur le déclin. Merci les Coen, du fond du coeur, merci.
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