Oublier tout ce que vous savez sur les vampires… et sur Twilight

Il ne faut pas se le cacher, le film est farci de défauts, et ne pensez pas que je viendrai ici défendre de manière irraisonnée un chef d’œuvre incompris. Car Twilight n’en n’est pas un ; cependant il présente un certain nombre d’idées qui rendent le film intéressant à étudier.


Il semble en effet que l’on fasse tout pour écorcher la figure iconique du vampire. Mais faut-il rappeler que l’image « traditionnelle » que nous avons du vampire tient essentiellement au tableau qu’en a dressé le grand Abraham Stoker dans son roman Dracula ; et sans être historien du mythe du vampire, il est raisonnable de penser que cette image ait pu changer à travers les siècles. Cette nouvelle façon de présenter les vampires n’est donc à mon sens pas si choquante sur le principe. On pourra néanmoins trouver certains nouveaux pouvoirs ridicules : cumuler les habiletés de Superman, Flash et Spiderman peut donnez un rendu assez bizarre à l’écran. Mais ce que je trouve intéressant dans ce traitement, c’est cette nouvelle manière d’aborder le sort des vampires et leur damnation éternelle. Certains vampires font ainsi le choix de nier leur nature en se privant de consommer du sang humain, décision qui se trouve parfois mise à l’épreuve par les circonstances. Bien sûr, sur le papier cela sonne tout à fait stupide, mais si l’on se place dans la mécanique du film on peut y trouver du sens.


Passons au scénario qui est en effet très poussif et au cours duquel les situations surviennent sans grande logique, comme le fait que personne ne porte de soupçon lorsqu’Edward stoppe le van, ce qui est humainement impossible ; ou comment expliquer également la décision des Cullen d’aider Bella qui n’est que la petite amie d’Edward ; ou bien comment expliquer que le danger représenté par le vampire blond soit si facilement écarté. Bref, nombreuses sont les incohérences, mais je n’ai pas été aussi choqué que j’ai pu l’être par d’autres adaptation « young adult ».


Ce scénario, qui traite ainsi ses sujets d’une manière aussi incomplète, se prête parfaitement à la réflexion. Ces germes d’idées, aussi involontaires soient-ils, laissent au spectateur cette liberté. La relation père / fille mise à distance et presque absente vient nous signifier la difficulté que le père a à renouer avec sa fille qu’il n’avait pas vue depuis longtemps. A ce titre, les dialogues particulièrement mal écrits dans ce film, font sens. Ils traduisent la pauvreté de leur relation. Et très souvent, le silence entre les deux acteurs n’est que le reflet de l’incompréhension de ce dernier vis-à-vis de son adolescente.


Ensuite, il faut parler de la romance du film. L’histoire d’amour qui nous est présentée n’est pas une grande histoire d’amour : elle est à la hauteur de ses protagonistes adolescents : superficielle et versatile (d’où le fameux triangle amoureux bancal qu’on verra dans les suites). Bien évidemment, si on considère la représentation de la séduction dans une optique réaliste, le film a tout faux ; c’est une accumulation de stéréotypes. Mais à y réfléchir, connaissant l’omniprésence des comédies romantiques qui sont autant de véhicules pour ses clichés, n’est-ce pas finalement logique que deux « jeunes » découvrant l’amour appliquent si scrupuleusement les codes (faux) qu’on leur a présentés ? Cela n’a certainement pas été fait volontairement, mais il est possible de l’aborder sous cet angle, ce qui fera porter non pas un regard admiratif mais un regard critique sur ce couple.


Parmi ces clichés, on retrouve notamment toute la succession des expressions faciales requises dans ce genre de film. Cette fameuse bouche ouverte qui ne veut jamais se fermer ou ce regard étrange que porte Edward sur Bella en cours de biologie. J’en viens ainsi à parler du jeu des acteurs qui demeure pour moi la chose la plus énigmatique du film. Comment a-t-on pu laisser des acteurs jouer de cette manière ? Cela en serait drôle si le film n’était pas si premier degré. A ce titre, il faut signaler que, si les performances des acteurs sont terriblement mauvaises et que l’âge n’excuse en rien les acteurs (Kristen Stewart n’a que 17 ans lors du tournage), le film aura permis de faire découvrir au grand public trois acteurs qui sont aujourd’hui reconnu par les critiques. Les remarques assassines qu’ont subies Kristen Stewart et Robert Pattison les ont poussés à changer leur plan de carrière et à se tourner vers le cinéma indépendant avec succès, et ils ont tout deux démontré depuis qu’ils avaient du talent. Anna Kendrick n’est pas en reste et suit également la même trajectoire. Sur ce point, je pense donc que c’est la direction d’acteurs qui est à blâmer.


Ensuite j’aimerais signaler le travail visuel accompli pour ce film, qui est plus que correct. On peut en juger par des plans légèrement plus long que ce à quoi l'on est habitué pour un divertissement : là où un réalisateur lambda aurait fait un « cut », la réalisatrice choisit de laisser le plan se poursuivre afin qu’il prenne sens. Les cadrages sont également porteur de sens, comme dans la scène où Bella découvre la chambre d’Edward avec un champ / contrechamp très intéressant. Dans le champ, nous sommes à la position d’Edwards en plongée, et dans le contre-champ, à la place de Bella. La caméra y est débullée et en contreplongée ce qui traduit son malaise à ce moment précis. La photographie et la mise en scène n’excuse cependant pas quelques ralentis très discutables, ou encore le choix d’un filtre bleu sur l’ensemble du long-métrage.


Ce qu’on pourra également reprocher au film c’est d’avoir été fait pour les mauvaises raisons. Pourquoi « mauvaises » ? C’est qu’il voulait principalement satisfaire à des ambitions marketing et présentait aux spectateurs adolescents une vision anti-réaliste d'une histoire d'amour, vision que beaucoup d’entre-eux ou d’entre-elles prennent au pied de la lettre, en témoigne l’engouement populaire pour le film à sa sortie ; cette manière de tout gober sans le moindre recul est vraiment regrettable.


Finalement, en regardant le film avec un certain recul, puisqu’il est sorti il y a 7 ans, on peut le regarder plus sereinement, et sans haine. Cependant, toutes ses grandes lacunes : ralentis outranciers, dialogues insipides, situations improbables et jeux d’acteurs imbuvables, ne sauraient être contrebalancés par les quelques pistes de réflexion positives qu’on voudra y voir.

Quentin_Pilette
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le 20 janv. 2016

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Quentin Pilette

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