Tiens, pour l’anecdote : hier soir, comme je dépassais un UGC parisien, je saisis une conversation d’homme à homme. L’un jeta, pure provoc’, « Et si on allait voir Twilight ?» et l’autre répondit, en riant bourgeoisement, « Je reste encore un mec ».
Pourtant, les cojones sont nécessaires pour s’asseoir devant la Part II, l’assumer et en parler librement. Et pour citer les mots qui ne rappent plus de Diam’s sur TF1, « Quand on critique quelque chose, c’est qu’on connait son sujet ». Venant de me soumettre à l’expérience, je m’estime bien fourni et apte à témoigner.
Un mot, cependant, sur les conditions de ma séance : j’ai visionné la chose à domicile, via une captation faite en salle. Cela fait de moi, j’imagine, un semi-mec.
Second volet de la patte Condon, donc, Breaking Dawn reprend au cliffhanger de la Part I - que je n’ai pas vue, au passage. Un résumé de la toile m’aida sur les grandes lignes : Bella mère et vampire, Jacob imprégné, Edward papier peint. Sans previously, on Twilight pour nous reconnecter, wikipédia fut salvateur. Je m’en suis auto-félicité. La seconde suivante, je haïssais la terre entière. Le film raccroche à une Bella plus mordue que jamais. Le plan d’ouverture, derrière les yeux rouges de l’héroïne, offre un monde neuf et précis - et, donc, vampirique. C’est d’ailleurs particulièrement mauvais. Condon, ce fils de personne, emprunte l’effet zoom à Guy Ritchie et nous dévoile les détails du tapis, de la baie vitrée, de la cheminée et encore du tapis, sur une musique de carrousel. J’ai songé, sur le moment, « Voilà un homme qui veut faire de l’effet ». Ensuite, un spectateur a projeté un canard en ombre chinoise sur l’écran et j’ai rigolé. Mais comme j’étais seul dans ma chambre, je me suis vite résigné. Edward ment à Bella, lui dit qu’elle est belle, ils s’embrassent, ils vont chasser, soit, je ne vais pas résumer l’intrigue en entier. Cette reviviscence - un moment probablement attendu par les fans - m’a laissé froid. Au-delà de mon désintérêt des personnages, l’insensibilité prégnante du film m’a complètement dérangé. J’en suis arrivé à une conclusion hâtive : que Bill Condon n’avait rien d’un réalisateur de talent, le gag, et que l’art du quatrième mur n’était pas inné pour tous. L’on en revient à des débats théâtraux assez anciens : représenter l’émotion ou l’interpréter ? Le cast twilightien interprète une représentation. Je n’ai aucun mépris pour les histoires d’amour. Je leur porte même une certaine sensibilité, pour peu qu’elles fassent preuve de coeur. J’aurais volontiers donné sa chance « adulescente » à Twilight s’il avait osé le culot de l’honnêteté.
A un moment, aussi, Bella s’offre toute entière au soleil et scintille de partout. Je me suis surpris à lancer, tout haut, « Kristen Stewart brille enfin ». J’étais si fier de mon envolée ! Mais, une fois encore, j’étais seule dans ma chambre et l’effet s’est effondré comme un soufflet.
Je toucherai un mot de la gamine. Renesmée. Grandissant plus vite que la normale, elle se retrouve, à trois mois, dans le corps d’une chiée de quatre ans. Une scène m’a alors marqué à vie. Il s’agit de l’annonce dramatique d’Alice, « The Volturi are coming ». Plan fixe sur Jacob, la lippe tombante, Bella, déguisée en poster et, coincée entre les deux, la petite Renesmée, véritable synthèse d’une palette monochrome. Si je devais résumer le film en une image, ce serait celle-là.
1) La caméra est posée de travers.
2) Un effet de lumière crue, sur des personnages déjà blafards, ajoute une mauvaise transparence (laquelle s’était déjà invitée dans les lignes de dialogue).
3) Taylor Lautner.
4) Cette petite fille dont le child acting rattrape celui d’Henri dans Once Upon A Time. Ceci étant, le choix s’avère peut-être plus judicieux que prévu : c’est tout sa maman.
A titrer le tableau, je plagierai presque Magritte : Ceci n’est pas crédible.
Je me suis désintéressé de la suite pour me couper les ongles. Une bonne hygiène manuelle diminue par cent les risques de germes. A vrai dire, je n’ai relevé la tête qu’aux portes de la castagne. J’ignore encore ce que j’ai raté mais Lee Pace avait rejoint le cast. J’imagine qu’ils ont passé ces trente minutes-là à recruter. (Je suis très lent à me manucurer.)
Je confesse avoir, en partie, regardé ce dernier opus car songeant, bien naïvement, qu’il s’agirait d’un film d’action. La bande-annonce l’avait promis. J’aime l’action. Je pleure devant les beaux duels. Jadis, la bataille de la Porte Noire m’avait plongé dans un coma émotionnel. Je me suis donc redressé donc mon canapé-lit. Juste à temps, semblait-il - et attention, je vais spoiler : Maggie Grace venait de se faire immoler. (Un motif assez récurrent dans le film, d’ailleurs. Le feu. Voir les zooms sur la cheminée.) On a dû dire son nom, à un moment, mais un spectateur a toussé fort et je n’ai rien saisi.
Deux camps se font face, promettant un final éreintant (« epic conclusion » disait le trailer) entre Cullen et Volturi. Les oripeaux de ces derniers, tant que j’y pense, font directement référence à des commodes. La costumière s’y est peut-être cassé l’aiguille, mais sur leurs torses, c’est indéniable, je voyais trois tiroirs bien dessinés. Cette Grande Guerre, seule possibilité d’intérêt à présent, que m’a-t-elle réservé ? Le mec qui jouait dans Six Feet Under s'est fait décapiter. Apparemment, ce n’était pas prévu parce la salle a hululé d’horreur. « What ? » « No ! » « Leave Carlyle alone ! ». Le corps est immolé. Motif récurrent. Puis les deux lignes galopent sur la glace (depuis Kill Bill, on recycle dans le combat hivernal), et une chorale entame ses encouragement. Hymos Lussec Fitos Vinosec. Une riche idée, par ailleurs, que d’avoir évité d’infliger du Green Day pour cette scène-là. Avec un beau morceau d’American Idiot, l’on aurait pu prendre cette course pour une ouverture du Black Friday. Bella gambade vite, la mâchoire crispée. On voyait tout de suite qu'elle avait couché avec Rupert Sanders. Les armées s’entrechoquent et Dakota Fanning lance sa capacité spéciale Pain ! rapidement contrée par S.H.I.E.L.D. ! de Bella. Jasper - il me ressemble, d’ailleurs, on m’a toujours dit, quand je me coiffais bien, « Bah ça, c’est fou ce que tu ressembles à Jasper » - Jasper, donc, se fait trancher la nuque et ce n’était pas prévu, ça non plus, à en juger les cris perçants de l’audience. Qu’as-tu fait, Bill Condon ? Nous étions tous des haters. (Bien plus tard, j’appris que le livre ne contenait aucune bataille. Les courroux ont alors pris un sens.) Dakota Fanning terrasse aussi un loup couleur berger allemand, je ne sais plus son nom. Je vais verser dans le racisme, mais ils se ressemblent tous. J’ai également repéré deux blondes pas trop mal ; je pense qu’elles étaient potes avec Lee Pace. En tout cas, elles distribuaient de belles droites décomplexées. Mais Twilight ne fait pas de politique. Ensuite, un frisé a ouvert une crevasse de lave dans la glace et pleins de gens ont finit comme l’Anneau Unique. En tout, dix minutes de badasserie qui ont chamboulé les souvenirs de lecture de trois-cents jeunes filles ébahies. Je me suis trouvé, pour ma part, hautement satisfait et j’ai mentalement high fivé Meyer pour avoir sacrifié une bonne moitié de ses écoeurants personnages. Trente secondes plus tard, Stéphanie me ramonait à sec en résumant ce bluffant carnage à une vision d’Alice.
Ainsi ai-je pressé « Stop », dans une grande crise d’épilepsie. Je n’ai donc pas vu la fin de la fin de Twilight. Et c’est tant mieux. Je la laisse flotter dans mon cirque de freaks bien à moi, derrière les barreaux du non-vu.
Au final, puisqu’il s’agit de cela, Breaking Dawn est un affligeant sac commercial dans lequel ont été jetés des effets spéciaux cheap, un rythme tuberculeux et des acteurs un poil purineurs. (You stink Jacob, dit elle-même Bella). Moteurs annoncés du film, émotion et passion ont quitté la salle les premiers, avec un soupir d’à quoi bon. Même la bande originale sonnait kermesse. Le thème d’Alexandre Desplat, seules notes bien agencées, n’a jamais trouvé la force d’égayer un tel trou noir.
Je clôture en causant cuisine. J’ai récemment goûté du tofu, pâté de soja fadasse que six cuillères de tamari ne parvinrent pas à épicer. Twilight est mon petit tofu cinématographique. J’ai beau l’assaisonner à toutes les sauces - ici, l’humour - il reste morne et dégueulasse.
Et je ne le digère pas.