Le dernier film de Jean Pierre Melville ressemble presque à un premier film, plein de défaut, de petites choses maladroites mais c’est aussi remplit d’idée, de fougue (de la fougue Melvillienne hein) et surtout sacrément couillu. Melville travaille clairement sans filet, le mutisme de ses personnages est toujours plus poussé, tout comme l’austérité ambiante, l’intrigue est minimaliste, les acteurs sont monolithiques, la durée des scènes est travaillée de manière chirurgicale et alors la scène « d’action » du film est, comment dire, épique.
On sent rapidement que l’intelligibilité de la narration n’est pas ce qui préoccupe le cinéaste, ce dernier ne s’intéresse plus qu’au temps, à comment le faire ressentir et à la solitude de ses personnages. Pour le temps, ça se traduit de manière simple, deux scènes sont tournées en temps réelles, le premier braquage ou les gangsters longent un long moment la cote, puis lorsqu’il entre dans la banque ils doivent attendre que les clients sortent, et c’est là que chaque seconde qui passe fait couler une goutte de sueur sur le front de braqueur (et du spectateur), c’est lors de cette attente que l’on est dans le vif du sujet, le temps devient de lui-même source de suspense et de tension. La deuxième scène en temps réelle est celle totalement ahurissante de l’attaque du train par des hommes en hélico, Melville filme le tout avec des maquettes donnant un air quasi surréaliste à l’action, mais alors quelle brio dans le déroulement du vol, tout est chronométré, on assiste à toutes les étapes, et bien évidement à l’attente, lorsqu’un voleur poireaute plusieurs minutes dans le couloir du wagon attendant que celui-ci se vide, là aussi chaque seconde compte et le fait de ressentir le temps devient un ressort dramatique. C’est vraiment unique.
Pour ce qui est de la solitude de ces personnages, je pense que c’est assez simple, il suffit de voir la scène finale, ou Delon abat le compagnon officiel (Delon étant son amant) de Deneuve, elle lui lance un regard disant tout simplement que maintenant elle est libre, mais Delon préfère aller répondre à l’appelle de sa voiture de police, il s’en va sans un mot et surtout, sans un regard.
Un film radical.