La scène d'ouverture donne le ton. Une bande de sales gosses tabasse un pauvre vieux SDF, puis ils rentrent dans leurs foyers respectifs. Un policier vient dans l'une des maisons et, à son tour, il fout une raclée à un des enfants terribles. Entre deux coups de boules (essentiellement donnés hors champ), il incite fortement (à coups de mandales bien senties) le mioche à aller dénoncer ses potes au commissariat le lendemain. Je suis ressorti de cette scène avec des impressions contradictoires : il y a une certaine gêne face à une violence certes stylisée, adoucie par la réalisation, mais bien présente, et envers un gamin de surcroît. Et, en même temps, je ne cache pas une franche jubilation de voir le sale gosse recevoir enfin la raclée qu'il mérite.
Ces sentiments contradictoires (et bien d'autres encore), c'est ce que je ressentirai constamment au sujet de ce flic, Azuma (interprété par Kitano lui-même). Méthodes brutales à la Harry Calahan, mais toujours face à des enflures. Connaissances pour le moins louches, face auxquelles il fait preuve d'une extrême indulgence. Tyrannique envers son subalterne, le pauvre Kikuchi. Mais beaucoup de douceur envers sa sœur Akari, attardée mentale qui vient juste de sortir de l’hôpital.
Plus que tout, Azuma est une sorte de sale gosse, lui aussi. Un ado en pleine crise, qui refuse toute autorité et adore désobéir et transgresser. Son patron lui interdit quelque chose ! raison de plus pour le faire. Dans un japon où les règles sociales et hiérarchiques sont si importantes, cette attitude fait d'Azuma une sorte de rebelle jouissif par sa capacité de transgression.
Que l'on soit clair : Azuma n'est pas un héros à proprement parler. Et Kitano n'en fait pas un exemple. Il en fait un personnage complexe, donc intéressant, aussi compétent que borné, aussi radical qu'humain.

Et un personnage qui marche.
Azuma marche. Énormément. Et cela permet à Kitano de filmer le personnage dans son décor, de situer le cadre. Nous sommes dans les bas-fonds, dans les quartiers louches, et le cinéaste implante un cadre social qui est essentiel.
Comme son personnage, Violent Cop est un film ambigu. Parfois lent et contemplatif, il est capable, d'un coup, de s'énerver et de nous donner des scènes d'action relativement brutales. On a droit à une longue course-poursuite, des fusillades, etc. Puis on retourne au calme, presque sans transition.
La musique y tient une place importante, parfois en décalage par rapport à l'image. La musique jazzy que l'on entend pendant la course-poursuite m'a fait furieusement penser à un hommage aux films noirs américains dans années 50.
Le film n'est sûrement pas le plus abouti du cinéaste, il a un petit ventre mou, mais, pour un premier film, le comique Kitano nous livre une œuvre sérieuse et solide, avec une véritable réalisation.
Quelque chose me dit que je vais en revoir pas mal, des Kitano, dans les prochains temps...
SanFelice
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le 22 févr. 2014

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