Ami de l'objectivité, passe ton chemin !

Pour toute une génération de hypsters (cette génération agaçante de jeunes bobos fans d'électro underground et lookés chez Jules), Quentin Dupieux est une îcone. Un mec brindezzingue (doublé d'un sacré petit con avec un gros melon en guise de tête) qui bricole de la musique de façon iconoclaste et qui, depuis quelques temps, fait aussi des films. En l'état, ça donne un mockumentary tourné à hauteur de nain (Non-film), une comédie absurde et drôle avec Eric et Ramzy (Steak) et l'odyssée d'un pneu tueur dans le désert (Rubber). Un cinéma particulier, construit en dehors des cases, dont l'originalité et la liberté artistique totale était un appel d'air salutaire pour le cinéma. Mais la vacuité, épée de Damoclés au-dessus du cinéma de Dupieux, s'est abattue en ce 5 septembre 2012 avec Wrong, troisième opus qui franchit la ligne rouge.

Difficile d'être objectif concernant un film appellé à être reçu différemment par chaque spectateur. C'est bien le problème de ce type de cinéma, il comporte autant d'admirateurs que de détracteurs d'où l'impossibilité d'y trancher une vérité sous peine d'atteindre le point Goldwyn. En cela, pour juger objectivement la chose, on dira de Wrong qu'il ne déroge pas à la méthode Dupieux : une intrigue très succincte, une image léchée et une absurdité constante. On est donc en terrain connu de ce côté là même si la qualité formelle tient plus au fameux Canon utilisé (qui transcende visuellement tout même le caca). Un appareil que Dupieux pousse ici jusque dans ses retranchements en cramant l'image et en abusant de flous bien usants.

Maintenant, si je devais parler subjectivement de Wrong, je le résumerais en un mot : chiant. De tous les films vus cette année, Wrong est sans conteste le plus léthargique, le plus lent et surtout, surtout le plus vain. Là où Rubber et Steak profitaient de leurs postulats respectifs pour dérouler des vignettes hilarantes et absurdes, un véritable univers et une (petite) réflexion sur notre monde profondément déglingué, Wrong fait marche arrière et ne souffle que le vent. Cette histoire de chien perdu pédale dans la semoule dès les 10 premières minutes et l'arrivée de nouveaux personnages n'apporte strictement rien car Dupieux n'a RIEN à raconter ! Le héros (une vraie tête à claques) erre ainsi pendant 1h30 au fil de scènes pas marrantes pour une cahouète, étirant tellement leurs rares bonnes idées qu'elles les vident de tout effet. Ainsi, comme stoned, le spectateur qui n'a pas la chance de s'assoupir subit le vide abyssal transporté par les images et attend que le calvaire se termine. Une petite punition cinématographique...

A partir de là, que dire de plus qui ne serait purement biaisé par la désagréable expérience offerte. Il y a bien les interprétes fantomatiques ou encore la mus..., oh putain, la musique ! C'est peut être l'aspect le plus déplaisant de cet objet qu'est Wrong, une musique épouvantable à base de nappes de synthés et de stridences insupportables qui donnent envie de flinguer les enceintes du cinéma. Vous trouverez toujours des admirateurs pour aimer ce concert de bruits mais, pour moi, c'est aussi agréable qu'une séance chez le dentiste. Donc voilà, vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé du tout mais je m'interroge cependant.

Je m'interroge sur la démarche préalable à Wrong et sur la complaisance affichée du pénible résultat. Je m'interroge sur le cas Dupieux, comme sur celui de Philippe Katerine ou Sébastien Tellier, car il y a toujours une part de moi qui se demande si tout cela ne tient pas au plus pur foutage de gueule, à l'ultra-libéralisme arty ou encore à un quelconque diktat culturel. Je m'interroge sur la réelle démarche artistique de ces propositions décalées. Je m'interroge sur la sincérité du geste créateur face à l'aura commerciale de l'artiste. Je m'interroge sur ces hommes, devenus marques, portés aux nues par des fans parfois opportunistes (je suis original, t'a vu !), et devenus les gourous de cette nouvelle secte conformiste qu'est, paradoxalement, l'originalité. Je m'interroge sur ces figures et leurs actions artistiques, sur la propension de leurs admirateurs à voir les circonspects comme des ignares, des sectaires et des idiots quand on n'entend pas un saignant "Tu comprends rien à l'art Coco !". Bref, je m'interroge sur ce phénomène, symptomatique de cette drôle d'époque, mais en même temps, je ne suis qu'un connard parmi tant d'autres qui donne son petit avis. J'ai peut-être Wrong...

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le 7 sept. 2012

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Adrien Beltoise

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