Un film que j'attendais depuis un moment, un réalisateur dont j'apprécie beaucoup les oeuvres précédentes et une année 2012 jalonnée de nombreuses déceptions, n'était-ce pas les conditions idéales pour en attendre trop ? En tout cas la bande-annonce parvenait à créer juste ce qu'il fallait de mystère et de curiosité sans trop en dire, et c'est plein d'espoir que j'allais voir ce film, encensé comme le nouvel OVNI du jeune prodige français.

Dès l'introduction, il y a de quoi être rassuré, Dupieux est toujours aussi absurde et maîtrise sa technique. Les teintes si particulières obtenues en filmant avec un fameux appareil photo haute résolution collent parfaitement au sujet, avec des couleurs saturées, une présence importante du flou, un aspect irréel qui saute aux yeux et favorise l'immersion dans son univers.

Ce qui faisait la force de Steak et Rubber, c'était d'avoir toujours LA petite idée décalée qui apporte une touche personnelle cohérente dans l'absurde, et de le faire jouer de façon totalement sérieuse. Steak avait pu souffrir de l'attente des spectateurs, croyant voir "le dernier Eric et Ramzy", alors que ceux-ci étaient utilisés de façon terriblement intelligente par Dupieux, détournant leur image pour mieux surprendre.

Ici l'acteur principal est totalement méconnu, on remarquera tout de même Eric en jardinier parlant fort mal anglais et William Fichtner qui s'en donne à coeur joie en Master Chang (voire si on est fan un acteur d'Eastbound & Down en jardinier). On notera que cette fois il y a un début de trame explicable "un mec qui a perdu son chien", mais bon vous ne convaincrez pas grand monde d'aller voir le film avec ça. Ou alors il faudra ajouter "mais bon ça a pas d'importance, c'est Dupieux", et du coup ça n'a pas d'importance.

Ce qui est étrange avec ce dernier film, c'est que justement ici le scénario en a, de l'importance, et même un peu trop. Personnellement je pensais que ça ne serait que le point de départ, mais ce qui semblait être un prétexte est le vrai squelette de l'histoire. En soi ce n'est pas exactement dramatique, mais cela semble posé un frein à la créativité, dans le sens où l'absurde de Dupieux va plus se manifester dans des aspects assez secondaires que profondément dans la structure ou la narration du film.

On a donc un objet hybride, qui se permet des fulgurances très efficaces à intervalles réguliers, mais peine en même temps à sortir d'une sorte de sentier tracé par l'histoire. Steak avait beaucoup plus de richesse à ce niveau, et Rubber n'avait pas vraiment de récit à dérouler, le problème ne se posait donc pas.
De là à dire que Dupieux s'enlise, il y a un pas que je ne franchirais pas. On sent qu'il a encore des choses à dire, à montrer, mais finalement ce long-métrage est trop timide, l'histoire trop étirée. Au-delà de la première demi-heure, de nombreuses idées sont réutilisées sans apporter du neuf, et on peut penser qu'un moyen métrage aurait été un formant plus adapté.

Partagé entre le bonheur simple de voir quelque chose de "différent" et original au cinéma, et le sentiment que Dupieux a tendance à se recycler au bout de déjà trois films, je suis sorti assez déçu de la séance. Il est tout à fait possible d'adorer, que l'on connaisse ou non le réalisateur et son univers, mais je pense qu'à long terme il ne pourra pas se contenter d'être "en marge" pour survivre artistiquement, en comparant à Steak il reste un goût d'inachevé qui fait un peu tache.
J'attends tout de même impatiemment (on ne se refait pas) de voir ce qu'il a e tête pour son Wrong Cops à venir. Comme le dit son site, ce n'est pas une suite du présent film, Dupieux est juste un flemmard avec les titres.
blazcowicz
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le 1 oct. 2012

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blazcowicz

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