Quand Ellen Page s'essaie aux jeux vidéo...
Arrivé au bout du frère spirituel d'Heavy Rain, créé par le même studio Quantic Dream et son bon vieux PDG français David Cage, j'en viens à penser que le film interactif, sujet cher aux yeux du dernier cité, a de longues années devant lui. Voilà des années que le jeu vidéo tend à se soucier plus de la forme que du fond, privilégiant énormément l'aspect visuel et scénaristique au détriment du gameplay, il existe quelques exceptions mais la tendance est à "l'évolution" et l'élargissement des horizons anciennement prédéfinis par les aînés des nouveaux développeurs. Malheureusement me direz-vous. Il faut bien évidemment remettre les points sur les "i", je n'ai absolument rien contre le fait de proposer quelque chose de différent, il faut bien évidemment de tout pour faire un monde.
Le problème de Beyond : Two Souls ? C'est qu'il fait maladroitement ce qu'il est censé mettre en avant. A l'instar d'un Heavy Rain pas franchement folichon mais dont j'ai apprécié la découverte et l'expérience interactive qu'il proposait, le scénario de Beyond s'avère décousu au possible. La chronologie désordonnée, visant à inter-mêler le présent aux flashbacks donne au final peu de relief à une narration qui ne retrouve jamais son second souffle, aucunement épaulée par la succession des événements et dont les ellipses béantes qui la parsèment nuisent grandement à l'immersion.
L'histoire reste néanmoins correcte, fortement aidée par la prestation d'Ellen Page qui interprète magnifiquement bien Jodie Holmes et certains choix influent également sur la fin du jeu, bien qu'on aurait aimé plus d'embranchements scénaristiques. Le scénario aborde de nombreux thèmes chers au commun des mortels que nous sommes tels que le sentiment d'appartenance, la xénophobie, l'Hubris, la Frontière, la solitude, la remise en question des principes fondamentaux de l'existence, la mort, etc. Tout un florilège de thèmes pour la plupart bien traités dans le jeu.
Bon,je ne vois vraiment pas l'utilité de parler du gameplay mais il le faut : ne s’extirpant jamais de la facilité absolue, on est d'autant plus convaincus par la volonté des développeurs de rapprocher le plus possible Beyond d'un film tant les phases de gameplay sont poussives, grandement inondées de mouvements de caméra intempestifs. Franchement, ça donne le tournis. Ensuite il y a l'esprit qui accompagne Ellen Page, qu'on peut contrôler afin de sortir Jodie de certaines situations critiques. On se dit qu'il y a quand même des côtés positifs : pouvoir influer sur l'environnement par le biais d'Aiden -l'esprit qui accompagne Jodie- mais lors des phases de recherche, il n'y a rien de tel pour chopper une migraine tant les mouvements sont mal maîtrisés et la caméra, encore une fois, à l'ouest.
A vouloir être un film interactif à part entière, Beyond remplit cependant le cahier des charges graphique, certaines scènes étant d'une beauté rare et il faut reconnaître qu'il fourmille de petites idées bienvenues par phases d'immersion - rapidement déconstruite à coups de flashbacks ou autres avancées dans le temps- comme le chapitre où Jodie se retrouve SdF.
En conclusion, il reste énormément de progrès à faire afin de pouvoir démontrer tout le potentiel des films interactifs que l'on veut nous vendre. Il faut très certainement dépasser les préjugés qui visent à faire croire qu'un film interactif tel que Beyond ne peut s'embarrasser d'un gameplay plus étoffé. Cependant on peut lui reconnaître un certain effort en la matière, les QTE n'étant pas le seul aspect du gameplay, contrairement à son aîné Heavy Rain. Je le conseille néanmoins à ceux qui ont adoré ce dernier tout autant qu'aux fans d'Ellen Page qui y trouveront très certainement leur compte. Pour les autres, passez votre chemin.