Avec Modern Warfare premier du nom, Infinity Ward avait trouvé un terrain de jeu idéal pour renouveler la croulante série des Call of Duty. Exit la seconde guerre mondiale exploitée jusqu'à plus soif, welcome les conflits actuels. L'idée était, comme souvent, simple mais brillante. Le premier opus frappait fort, ce second met les bouchées doubles.


I) Du spectacle et encore du spectacle


On ne le dira jamais assez, la licence Call of Duty sait faire le spectacle. Et c'est bien pour ça qu'on l'aime, malgré des défauts d'IA, malgré le dirigisme de l'aventure. Au final, le joueur est au coeur d'un show grandiloquent et en redemande. Cette suite directe poursuit cette difficile entreprise du grand divertissement. En faire plus sans tomber dans le grotesque, voilà l'objectif.


Les scènes sont spectaculaires mais surtout variées. Résultat, on ne s'ennuie pas. On fonce à toute allure, distribuant au passage quelques bastos, se protégeant ici et là. Durant un niveau type infiltration, qui tournera mal, notre personnage doit s'immiscer au coeur d'une base russe. Brouillard intense, la visibilité est quasi nulle. Armé d'un radar, notre soldat fonctionne à l'aveuglette. A l'aide d'un compagnon, dès lors que les balles se mettent à fuser, vous fuyiez à l'aide de scooters des neiges, évitant de peu les multiples sapins, abattement rapidement vos ennemis et sautant des crevasses de plusieurs mètres. L'adrénaline monte et le plaisir aussi.


Autre moment fort, l'intense fusillade dans les toilettes d'une prison russe. La scène pourrait être banale voire ennuyeuse mais la configuration de la joute produit son effet. On est littéralement à découvert. Quelques murets nous protègent mais bien rien de stable, à moins de se retirer tout au fond de la pièce on ne trouve aucun véritable abris. Il faut faire vite, tirer juste et se planquer à intervalles réguliers derrière un bouclier anti-émeute qui se détruit à vitesse grand V sous nos yeux.


Enfin, dernier moment excitant (liste éminemment restrictive et subjective), la descente des rapides lors du dernier niveau. Alors que vous poursuivez le traître Shepard d'abord à pieds, vous voilà obligé de prendre un zodiaque et foncer pour le rattraper. Course-poursuite sur un lac, slalom entre les ennemis et descente brutale sur une eau mouvementée. Autant de moments forts qui font de ce dernier niveau une clôture grandiose. Modern Warfare 2 joue pleinement la carte du spectaculaire comme on a rarement l'occasion de le voir. La bouche béante ou le sourire aux lèvres, on savoure cet enchaînement d'ingéniosités. Une mise en scène grandiloquente qui arrive à ne jamais s'essoufler.


II) Du mauvais côté de la force


D'habitude, dans les FPS, on incarne les gentils. Disons les militaires du pays des développeurs, les gagnants de l'Histoire, autrement dit les Américains la plupart du temps. Que ce soit Call of Duty, Medal of Honnor ou Brother in Arms, c'est toujours la même chose. On dirige de gentils Yankee comme le messie dirige ses moutons. Une vraie ritournelle.


Les Russes, les Nazis, les Arabes sont les ennemis, les Américains les grands « gendarmes » comme le veut l'expression. Au-delà du problème de la représentation, de cet antagonisme exacerbé, c'est surtout l'impossible d'être du côté des « méchants » qui frustre car on le sait les vilains ont la côte. On aime incarner un salaud et puis, il est toujours jouissif de sortir des rails du politiquement correct ou plutôt de « l'historiquement » correct.


Problème, ce n'est pas souvent qu'on peut assouvir cette vieille démangeaison. Counter Strike nous permet d'être un terroriste, il n'y a qu'à choisir son camp au début de la partie. Mais pour les FPS solos, sur nos braves consoles, ce n'est pas si simple. Heureusement, ce Modern Warfare 2 nous offre la possibilité, le temps d'une mission, d'aider un vilain russe ultranationaliste : Makarov.


C'est une véritable boucherie à laquelle le joueur va assister, voire participer. Makarov lance avec quelques hommes une gigantesque fusillade dans un aéroport, et quand je dis « boucherie », je ne rigole pas. Des hommes qui tombent comme des mouches, des murs mouchetés du sol au plafond...du vilain en somme.


Le joueur peut ne pas participer à ce massacre, mais en aucun cas il ne pourra y mettre un terme. Il assistera, forcé, à ce massacre de civils innocents. Comme si par cette séquence qui fit couler beaucoup d'encre lors de la sortie du jeu, les développeurs envoyaient un magnifique doigt d'honneur aux bien-pensants, qu'ils logent dans des organes de presse ou des partis politiques. Le jeu vidéo reste un sale gosse, outrancier quand il le désire, et montre à tous que derrière la respectabilité gagnée petit à petit par notre média, il n'est en aucun cas devenu sage.


III) Des entorses à la narration de base


Un peu à l'image de Dead Space Extraction sur Wii, ce Modern Warfare 2 propose quelques trouvailles au niveau de la narration. Au lieu de filer doux, de poursuivre une ligne droite sans aspérité, avec les ellipses de rigueur, les petits gars de chez Infinity Ward distillent quelques rebondissements bien sentis, quelques pas de côté maîtrisés.


En effet, à plusieurs reprises durant l'aventure, le héros que l'on incarne se retrouvera dans des situations délicates voire des impasses puisqu'à un moment donné c'est la mort que l'on rencontre. Soldat américain d'élite, vous vous infiltrez dans le gang de Makarov. A la fin de la fameuse mission à l'aéroport, alors que vous pensez que votre filature rapprochée porte ses fruits, que le russkof vous considère enfin comme son frère, le voilà qui vous abat froidement. Retournement inattendu, le fil de la narration se rompt. Rien n'est joué d'avance.


Au cours d'autres missions, la vie de notre soldat ne tiendra là encore qu'à un fil, un fil bien mince. On est loin du militaire surpuissant qui flingue à tout va et se cache dix secondes derrière une caisse pour repartir de plus belle (même si la fameuse régénération de la santé est de mise ici). C'est le cas, par exemple, de la fin de votre mission au coeur des favellas. Après une course sur des toits de tôle, vous glissez et effectuez une chute de plusieurs mètres de haut. Complètement sonné, il vous faudra cavaler, sans arme, à travers les habitations du ghetto pour rejoindre à nouveau les toits et sauter dans l'hélicoptère qui vous attend. Une course contre la mort, pas un pistolet...une situation plutôt inhabituelle pour un FPS. C'est par ces entorses à la narration dite classique du jeu vidéo qu'Infinity Ward se démarque et appose sa marque au genre même du FPS.


Commentaire : On pensait mettre les mains sur une suite bien rodée mais sage, il n'en est rien. Les petits gars de chez Infinity Ward nous prouvent qu'ils ont encore un paquet d'idées et surtout qu'ils savent faire un jeu digne de ce nom. Spectaculaire, innovant par moments, ce second opus des conflits modernes poursuit sa volonté de concurrencer Hollywood en proposant toujours plus. Ce que l'on peut dire, c'est que la formule fonctionne à merveille et que bien des films d'action d'aujourd'hui paraissent maintenant fadasses en comparaison.

Al_Foux
7
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le 31 déc. 2015

Critique lue 191 fois

Al Foux

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