Si ce jeu s'est fait une solide réputation, c'est qu'il est dur. Parce que ça fait du bien de se faire un peu malmener dans ce monde vidéoludique qui se casualise.
Le hic, c'est que cette difficulté est souvent très artificielle, et vient à mon sens de défauts du jeu, plus que d'un travail bien pensé. D'accord, chaque ennemi est dangereux et il faut rester concentré en permanence, mais ça ne rend pas du tout le jeu insurmontable.

Non, la difficulté de Dark Souls repose principalement sur deux piliers.

D'abord, la rareté des checkpoints, ces fameux feux de camp. On me dira que ça fait partie du plaisir de jeu, moi je préviens juste les moins masos : les morts sont souvent très punitives. Il arrive que l'accès à un boss difficile soit par exemple précédé d'un quart d'heure de parcours presque aussi difficile, au milieu d'ennemis retors. En apprenant leurs routines par coeur, il est souvent possible de les fuir en sprintant, mais ce n'est pas toujours conseillé.
Être radin en checkpoints, c'est l'astuce d'à peu près tous les jeux d'horreur pour foutre le stress. Le problème, c'est que le procédé est ici poussé à l'extrême, et que la moindre petite erreur peut coûter très très cher. Tout le monde ne pourra pas supporter l'extrême frustration engendrée.

Le second pilier, le plus important, c'est le manque total de clarté de ce jeu. Autant, je comprends l'intérêt pour certains d'être stressés par la rareté des checkpoints, autant je trouve assez inadmissible ce manque de pédagogie de la part des développeurs.
Après une cinématique obscure et générale, le joueur est directement paumé dans un monde dont il connait à peine le nom (je viens de finir après 80 heures de jeu, et j'ai déjà oublié). Avec une mission tout aussi obscure : sonner deux cloches. Pourquoi ? Comment ? C'est comme si les développeurs s'en foutaient. Il faut juste sonner deux cloches.
Mais l'obscurité du scénario n'est pas le pire : aucune des features clé de ce jeu, les humanités, la forme humaine, l'embrasement, l'estus, les miracles, les serments, les fonctionnalités online ne sont clairement expliquées, ni par les PNJ aux paroles nébuleuses, ni par des messages oranges sur le sol qui laissent dubitatifs tant ils semblent ne rien vouloir dire, ni même par le manuel livré avec le jeu, en pdf ou en papier, qui contient à peine le strict minimum.
Résultat : on peut (c'est mon cas) faire la moitié du jeu avec d'énormes handicaps parce qu'on ne sait tout simplement pas à quoi servent certaines stats, certains objets, ou qu'on ne connait pas certaines fonctionnalités planquées. Par exemple, j'ai fait tout le début du jeu sans savoir qu'on pouvait locker ses ennemis, comme dans les Zelda en 3D, pour les avoir toujours face à son bouclier. Pour cette fonction assez fondamentale, il faut appuyer sur le stick de la manette, LE bouton utilisé pour les fonctions les moins utiles d'habitude, dans tous les jeux. J'ai peut-être raté un message orange mal écrit, mais il me semble que ce n'était précisé nulle part.

C'est là qu'on prend conscience que cette vilaine casualisation, depuis dix ans, n'a pas que des défauts. Certains acquis ergonomiques peuvent vraiment venir à manquer, même aux plus hareucores des hareucore gaymeures.

Il y a donc un cap à passer, et beaucoup de mes amis ont abandonné le jeu très vite. Mais une fois qu'on y arrive, qu'on a grossièrement compris comment ce jeu très complexe fonctionne, c'est quand même beaucoup de bonheur. Même si les graphismes sont assez moches (il existe des twitches au moins pour la résolution sur PC), la direction artistique poutre, avec des niveaux qui font rêver. Le design des ennemis et des bosses est un plaisir pour les yeux (vous me direz des nouvelles du dragon béant, ou de Sif le loup), les combats sont dynamiques, le jeu n'impose PAS ce putain de levelling automatique des ennemis qui gâche à peu près tous les action RPG depuis le milieu des années 2000, les niveaux labyrinthiques sans boussole et sans carte sont très intéressants à explorer.
Et puis surtout, il y a la redécouverte de ce plaisir oublié ces dernières années. Cette sensation de joie, après 5, 10, 20 essais frustrants, quand on voit enfin périr ce boss affreux qui nous donnait des cauchemars...

Donc si ces défauts ne vous font pas peur et que vous cherchez du challenge, vous pouvez foncer. Mais si vous n'aimez pas qu'un jeu vous frustre artificiellement, ni qu'il vous paume complètement sans jamais expliquer vous initier à sa logique, vous risquez de le lâcher très tôt.
parasaurolophus
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le 6 mai 2014

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parasaurolophus

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