Je m'adresse à toi, le joueur blasé depuis la génération PS2, celui qui en a marre des jeux-vidéo tout cuits, celui qui pense que l'émancipation du jeux-vidéo ne se fera pas en singeant le cinéma (coucou David Cage), mais en acquérant sa propre indépendance. Si tu es du genre à avoir saigné des jeux rétro, à avoir connu le moment où tu es bloqué pendant une semaine sur un passage, et que tu as aimé ça, Dark Souls mérite ton attention.

Quand on débute le jeu, les indications sont lapidaires. Ici, pas le droit à un tutoriel de 15 minutes où une gentille fée (ou un vieux mentor, ou tout autre trope qu'on vomit de voir depuis 10 ans) t'explique comment le jeu marche. Quelques indications sur les boutons, et au bout de 5 minutes tu es déjà en face d'un boss qui t'écrase la gueule. C'est ça Dark Souls. Un jeu qui n'a pas peur d'être exigeant, de te buter dès le premier monstre d'un niveau, de te buter encore et encore d'ailleurs, par des pièges dans tous les sens, des ennemis toujours plus retors, des niveaux toujours plus torturés.
Dark Souls est dur. Arrêtons de dire le contraire, et de faire une foutue distinction entre "dur" et "exigeant". Les choses exigeantes sont par essence dures. Dans ce cas-là faire du piano c'est pas dur, c'est exigeant ? Ou c'est dur, mais pas exigeant ? Arrêtez un peu, ou donnez une vraie définition. Ce jeu est dur, s'il ne l'était pas il se finirait par quelqu'un de compétent en mourant seulement quelques dizaines de fois (en gros, ce qu'on trouve dans les jeux contemporains). C'est impossible, on est d'accord. On est d'accord que quand on connait le jeu, tout devient plus simple, et qu'on est capable de rouler sur le jeu. C'est ce qu'on appelle un apprentissage. L''apprentissage est peut-être plus rapide que dans un Gouls & Ghosts, mais il est présent, nécessaire, et n'entache rien à la difficulté du premier run. Et on est d'accord que le principal plaisir de Dark Souls, est de surmonter sa difficulté non ? Donc il est dur.
Après oui, la difficulté n'est pas arbitraire. La mort sera pour la plupart du temps, votre faute. Quasiment tout le temps, même. Et je ne vois pas en quoi ça change la perception de la difficulté, personnellement. Elle n'en est que plus grisante, mais pas moins présente.
Sa difficulté s'exprime aussi par le flou continuel qui traverse le jeu ; comprendre la forge, savoir comment utiliser telle arme, comment appréhender telle situation, rien n'est donné. Tout doit se trouver, seul. En effet, s'il y avait un petit fil d’Ariane qui nous guide (coucou Fable) ou un putain de sidekick (coucou la majorité des ARPG) pour te dire quoi faire à chaque situation, le jeu serait immensément plus simple. Mais ce n'est pas le cas.

Vous allez être balancés seuls, dans un monde plus qu'hostile. Le système de combat, la première heure, semble complètement archaïque, rouillé. A la manière d'un Monster Hunter, son apparente raideur cache une vraie profondeur. Et c'est quand on se décide de lancer le bouclier à la poubelle pour se battre comme un sagouin à coup d'esquive, qu'on se rend compte de la profondeur de la chose. Chaque arme dispose de son move-set, et offre une nouvelle façon d'appréhender le jeu.
L'ambiance prend aux tripes, volontairement dégueulasse, anxiogène. Chaque PNJ vous rappelle quasiment tous en permanence à quel point ce que vous faîtes est inutile, et à quel point vous êtes faible.
Les boss vont vous rendre fou, et paraissent pour la plupart insurmontables au premier abord. Une fois la technique trouvé, ils seront pour la plupart une grosse blague. Mais d'ici là, si vous jouez sans soluce, attendez-vous à quelques sueurs froides.
Attendez-vous à de grosses émotions, quand vous arrivez enfin à passer l'épreuve devant laquelle vous étiez. Avant de s'en prendre plein la gueule 5 minutes plus tard à peine.
Je ne peux rien dire sur le jeu lui-même, tout doit s'appréhender seul, à mon avis. Prenez ce jeu. Jouez-y, encore et encore. Il dispose d'une profondeur qu'on ne voit plus que rarement, vous place en tant que vrai héros de votre aventure, et pas juste un smasheur de bouton qui doit suivre une ligne prédéfinie. Sa narration est sommaire, c'est le moins que l'on puisse dire. Ici, pas de roue des choix à la Mass Effect (ou plutôt de roue du vide, vu l'importance des choix dans ce jeu). Aucun choix à proprement parler même. Le jeu a la franchise de ne pas vous faire croire que vous avez une influence sur son monde, au moins. Et c'est bien ça, la plus grosse réussite de Dark Souls. Ne même pas s’embarrasser d'une histoire profonde, complexe, d'une narration omniprésente jusqu'au vomi. Si toi aussi tu t'emmerdes à mort face aux cut-scene, si toi aussi tu t'en fous des ressenti de je ne sais quel PNJ, si toi aussi ce que tu veux c'est jouer, parce que quand tu joues aux jeux-vidéo tu préfères ne pas avoir de scénario mais un bon gameplay, plutôt que le contraire, alors ce jeu est fait pour toi.

Ah oui, les graphismes ont bien vieilli, peuvent être merdique selon certains yeux. Et Game for Windows Live ça pue vraiment la merde. Des détails.
MooleFreet
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le 3 déc. 2014

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MooleFreet

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