"Si vous n'aimez pas jouer..."

Le jeu vidéo. Contrairement à la plupart des "critiques vidéoludiques" réunis ici - comprendre des amateurs incompétents, souvent à l'orthographe douteuse, dotés de bonnes intentions mais malheureusement trop maladroits ou trop peu éduqués pour avoir le discernement nécessaire à produire une vision cohérente de la discipline - j'ai le plaisir d'avoir fait mes classiques. Les jeux d'arcade des années quatre-vingt? J'y ai joué, en arcade, dans les années quatre-vingts. Les fameux classiques bidimensionnels issus des révolutions nintendiennes? Mais bien entendu, j'y ai joué, sur le hardware originel censé les abriter. Vos néologismes polygonaux censément révolutionnaires qui nous ont mis sur la voie de vos blockbusters annualisés favoris? Aussi. Car, et je vous dis ça en connaissance de cause, l'on ne peut malheureusement pas quantifier quelque chose que l'on ne comprend pas. Or, vous ne comprenez pas le jeu vidéo. Certainement pas avec le degré de culture nécessaire à pouvoir tirer de valides conclusions sur un feu de paille comme Firewatch.

Après tout, j'imagine qu'on ne peut pas vous en vouloir d'avoir vis-à-vis du jeu vidéo la même forme de réaction que celle que vous avez face aux autres disciplines artistiques : c'est la société qui veut ça. Cela fait des années que l'on vous dit que votre avis, aussi pauvre soit-il, compte énormément. Car, après tout, c'est vous l'acheteur et par ce simple acte - celui d'être le principal rouage du système - vous avez toujours raison. C'est pour ça que l'on tolère votre attitude revêche. Votre mépris auto-satisfait. Votre refus total et catégorique de faire le moindre effort pour vous éduquer sur quoi que ce soit qui ne soit pas du domaine de l'accessoire. Cette étrange tendance à suivre la mode comme le bétail suit son berger. Vous savez... toutes ces habitudes qui nous amènent à constater la destruction progressive des ressources naturelles d'une planète qui n'était pas si mal avant qu'on se mette en tête de la dominer.

Le fait est - oui, c'est du domaine du factuel - que Firewatch est un mauvais jeu. Son contenu n'est pas ludique et l'histoire qui vous y est racontée n'a absolument rien d'extraordinaire. Faisons simple, je voudrais pas que vous chopiez mal au crâne. Vous y "jouez" Henry un gars qui a décidé de s'enfuir de sa vie d'alcoolique pour jouer les gardes forestiers tandis que sa femme devient lentement folle des divers symptômes qui constituent la maladie d'Alzheimer. Petit à petit, car le scénario l'exige, il se lie d'amitié avec sa superviseuse Deborah avec qui il discute par talkie-walkie et comprend que quelque part une femme fictive oublie jusqu'à son nom. Ce qui l'amène à une forme d'épiphanie très vague dont vous ne verrez pas les effets car le "jeu" sera terminé d'ici-là. Mais c'est très profond, hein, très. Et pas du tout une perte de temps à 20€ en forme de randonnée virtuelle où l'on vous assomme de dialogues plus ou moins bien écrits qui ne vont malheureusement pas dans le sens de créer un jeu vidéo. Car ce n'est pas tout d'avoir une théorie - ici, celle du site Idle Thumbs car les créateurs de Firewatch sont avant tout connus pour avoir réalisé l'impossible à grands coups de podcasts : devenir créateurs d'aventures graphiques, ces fameux jeux qui n'en méritent pas le nom - encore faut-il que celle-ci ait une quelconque forme de pertinence vis-à-vis de cette discipline à laquelle on l'applique. Il ne suffit pas d'écrire une histoire pseudo-profonde censée faire "évoluer" les sujets sur lesquels le jeu vidéo peut prétendre agir.

Non, faut encore en faire un jeu. Une activité ludique. Or, faire enregistrer six heures de dialogues à d'excellents acteurs pour que je puisse constater qu'ils n'ont rien à voir avec le personnage que je suis censé incarner tout au long d'une randonnée virtuelle... je pense pas que cela suffise. Sans-doute qu'on pourrait en tirer un audiobook correct; hein. Mais un jeu? Faut pas déconner.