Écrit par Harlan Ellison en une seule nuit en 1966, I Have No Mouth, And I Must Scream est l'une des nouvelles les plus rééditées de la langue anglaise. Elle a fait l'œuvre d'une adaptation vidéo ludique en 1995 en jeu d'aventure. C'est l'auteur en personne qui s'est chargé des dialogues et du doublage anglais de l'ordinateur AM.

"HATE. LET ME TELL YOU HOW MUCH I'VE COME TO HATE YOU SINCE I BEGAN TO LIVE. THERE ARE 387.44 MILLION MILES OF PRINTED CIRCUITS IN WAFER THIN LAYERS THAT FILL MY COMPLEX. IF THE WORD HATE WAS ENGRAVED ON EACH NANOANGSTROM OF THOSE HUNDREDS OF MILLIONS OF MILES IT WOULD NOT EQUAL ONE ONE-BILLIONTH OF THE HATE I FEEL FOR HUMANS AT THIS MICRO-INSTANT FOR YOU. HATE. HATE."
L'histoire prend place 109 ans après la destruction complète de la civilisation humaine. Alors que la guerre froide fait rage, la Chine, la Russie et les USA créées chacun un super ordinateur afin de gérer la guerre mieux que les hommes. Chaque machine est dénommée « AM ». Un jour, les trois ordinateurs ne deviennent qu'un et contrôlent ainsi la guerre froide dans toute sa globalité, créant alors un génocide total, où seuls 5 personnes survivent. Pendant 109 ans, ces 5 personnes sont torturées par AM nourris d'une haine incommensurable pour l'humanité. Dans cette adaptation, ces 5 personnes vont subirent chacuns à leur tour une épreuve inventée par AM. Mais qu'est ce qu'un super ordinateur peut inventer pour des personnes dont il n'éprouve qu'une obsédante haine ? C'est à travers leurs histoires qu'il va imaginer leurs épreuves.

Gorrister est un chauffeur routier dont la femme est morte dans de tragiques circonstances. Rongé par la folie, il culpabilise de la mort de sa compagne. L'épreuve d'AM fait qu'il se retrouve dans un zepplin. Gorrister n'a aucune idée de ce qu'AM attend de lui. Je profite de cette histoire pour décrire le jeu : il s'agit d'un point and click, avec le vieux système d'action à choisir à travers un pavé à l'écran, comme dans les jeux Lucas Arts de l'époque. Il y a bien sûr l'habituel inventaire, avec cependant à chaque fois un livre qui permet d'avoir un indice (très évasif d'ailleurs) pour la bonne continuation de l'histoire. Autre originalité aussi, chaque avancée dans le jeu est récompensée par quelque chose que je vais appeler « point de vie ». Le fond du portrait du personnage en bas à gauche verdit alors. Attention cependant, une mauvaise action ou l'utilisation du livre donnant les indices fait perdre ces points de vie. On est donc en face d'un point and click classique mais avec tout de même quelques changements qui ont leurs importances. L'aventure de Gorrister est assez liée à sa psychologie au bord de la folie. Assez immorale et cruelle, elle est aussi l'histoire la plus difficile du jeu. Il est non seulement fréquemment possible de mourir, mais pire que tout, il est possible de se retrouver dans un cul de sac, c'est-à-dire de réaliser une mauvaise action qui empêche la progression dans le jeu sans que celui-ci nous prévienne. De plus, les énigmes de cette aventure sont particulièrement insensées. Quoiqu'il en soit, son histoire est particulièrement glauque et marquante.

Ellen est la seule femme du groupe. Suite à « certains événements », elle est traumatisée par la couleur jaune. Un simple objet jaune à porter est devenu une véritable épreuve de courage pour elle. Son aventure prend place dans une étrange pyramide égyptienne mélangée à des composants électronique. AM lui dit qu'elle a une chance de le neutraliser durant son aventure. Il s'agit cette fois ci d'une histoire beaucoup plus facile. En effet, je ne suis tombé sur aucun cul de sac ou action conduisant à la mort. Je conseille son aventure pour débuter dans le jeu et ainsi assimiler la logique des énigmes. Son aventure est assez étrange et assez basé sur le courage et sur sa capacité à surmonter ses pires peurs.

Benny est le seul personnage à avoir été transformé physiquement par AM. Alors qu'il était plutôt bel homme, Benny se voit transformé en primate (le livre précise en plus par rapport au jeu qu'il dispose d'un pénis particulièrement gros à cause de son obsession pour le sexe). Mais trêve de vulgarité, la mission de Benny est de se racheter de ce qu'il a fait, de l'être qu'il était auparavant. Une aventure tout aussi simple que celle d'Ellen si ce n'est que les morts sont plus fréquente. Mais un semblant de jugeote et un œil assez averti suffit pour parvenir à la fin de son aventure sans encombre. Son histoire est assez orienté mythologie, avec cette quête de son rachat envers les plus faibles et sa rencontre avec ses victimes.

Nimdok est un docteur allemand dans les camps de concentration. AM se sent assez proche de Nimdok, même si il se moque de lui, notamment du fait que Nimdok croyait que l'odeur qui émanait des fours crématoires était l'odeur de la cuisson des poulets. AM le ramène dans ce camp de concentration et lui demande de retrouver une certaine Tribu Perdu. L'aventure de Nimdok apparait comme la plus froide mais aussi la plus réaliste, étant donné les événements qu'elle met en scène. Aucune difficulté particulière pour cette aventure.

Enfin, Ted, est un séduisant bourgeois. Généralement le prince charmant de ses dames, il va néanmoins devoir vivre une aventure qui mettra à mal certains de ses vices. Cette aventure est assez dure. Les erreurs à ne pas faire sautent aux yeux, mais toujours est-il que les énigmes restent assez difficiles et pas toujours logique. Néanmoins, l'ambiance de son aventure est assez particulière, avec ce château lugubre et assez cliché en même temps. Son histoire repose beaucoup sur le Bien et le Mal.

Demandez moi ce que j'ai pensé d'I Have No Mouth, And I Must Scream, je vous répondrais que c'est un des meilleurs jeux d'aventure que j'ai fais ave Sanitarium. Globalement, les énigmes sont assez bonnes et équilibrée à de rares exceptions près, mais c'est surtout l'ambiance, l'esthétique ainsi que l'histoire qui sont absolument marquantes. Il faut dire qu'au vu de l'œuvre original, le jeu était déjà parti pour être un chef d'œuvre, mais ce serait oublié « l'adaptation » de la Divine Comédie qu'est censé être Dante Inferno. Rien de comparable ici, car on a tout simplement un respect envers l'œuvre original. Plus qu'un respect même, une vision car l'histoire du jeu reste tout de même différent que celle du livre. Beaucoup d'interprétations possible de cette œuvre, et c'est une de ses plus grande force. Un scénario absolument incroyable qui est, concrètement, le fruit d'un éclair de génie, Ellison ayant écrit cette nouvelle quasiment d'une seule traite.

Le jeu est jouable via SCUMMVM, ce que je recommande pour plus de facilité. Ce que je recommande aussi, c'est de préférer la VO à la VF. Non pas que je suis un fanatique absolue de la VO pour tout, ni que la VF d'I Have No Mouth, And I Must Scream soit particulièrement mauvaise mais la VO reste clairement supérieur. Les voix collent beaucoup mieux aux personnages, et savoir que c'est l'auteur qui double AM a finalement son charme. Aussi, pour une raison ou pour une autre, la barre de description des actions est blanche dans la VF, ce qui tranche beaucoup avec l'esthétique sombre du jeu. Enfin, et non pas des moindres, l'aventure de Nimdok est purement supprimé ! La censure a frappé, ce qui est dommage quand on sait ce qu'il se passe avec Nimdok, mais le spectre de l'image Nazi a eu raison de sa présence dans la version française.

Tout amateur de jeu d'aventure se doit de connaitre I Have No Mouth, And I Must Scream. C'est certes l'enfer que vivent nos 5 personnages, mais pour nous, c'est une expérience comme on en connait rarement, et c'est tant mieux car cette rareté fait partie de sa saveur. Tout simplement une œuvre culte.
leo03emu
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le 21 mars 2011

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