Intro

L'ambiance est l'attrait principal de ce jeu. Ça a été crié sur tous les toits. Ico est une fresque poétique invraisemblable et, même s'il s'agit d'un jeu vieillot datant de 2002 et avec quelques défauts (comme tout jeu, vous me direz), on peut aisément en faire fi et se concentrer sur la poésie.

Certes, des défauts, Ico en a. Mais ils ne sont pas vraiment gênants. La gestion de la caméra est plutôt étrange, tout comme les contrôles qui sont un peu bizarres. C'est également le cas de l'ambiance musicale très... absente (quasi pas de musiques) ou des environnements aux textures parfois répétitives. Mais c'est un parti prit artistique qu'on appelle Minimalisme, donc prout, on peut pas bouder là dessus. D'autant plus que le jeu a eu énormément de remaniements et de problèmes durant le développement (à la base, il était prévu sur PS1) donc on peut pas vraiment lui en vouloir.
Ico est un titre Minimaliste et même si certains accuseront les auteurs de Fainéantise, je préfère les féliciter de leur Sophistication. Pour conclure, même s'il est un peu vieillot graphiquement, on se rend compte en allumant la console qu'Ico a bien un certain charme qui semble ne pas (trop) souffrir des dégâts du temps. En bref, malgré la prise en main délicate et quelques défauts, le jeu arrive à nous imposer son ambiance personnelle pour peu qu'on sache lui ouvrir notre cœur et être patient.

D'autant que l'animation des personnages est vraiment parfaite, les auteurs ayant vraiment eu le soucis du détail pour tous les mouvements. Je ne peux m'empêcher de vous recopier ce que Romendil, une rédactrice du site Jeuxvidéo.com, a écrit à ce sujet en 2002 : " Le comportement des ombres lorsqu'elles font une feinte pour passer dans le dos de Yorda et s'en saisir alors que vous êtes occupé à repousser les assauts des autres esprits maléfiques révèle un soucis du détail fascinant. Il en va de même pour les animations des deux héros qui reflètent parfaitement leur caractère. On sent bien la résistance de la jeune fille lorsque Ico lui prend la main pour l'amener brusquement dans une direction, et il faut voir le jeune garçon tendre la main dans la flaque noire qui symbolise le portail entre les mondes pour tenter d'extraire Yorda du gouffre aimanté dans lequel elle est en train de sombrer."

SAUF QUE, il y a bien une anguille sous la roche.

Gameplay phase 1 : la contemplation

Le jeu propose deux grandes phases de gameplay : la contemplation/résolution d'énigmes d'une part et les combats d'autre part. La contemplation a ses limites. En effet, même si l'ambiance séduit et fait naitre en nous un sentiment d'empathie pour les personnages, le côté minimaliste assumé du design tant sonore que graphique reste... minimaliste. Ce n'est pas un réel défaut, mais force est de constater que devant tant de sobriété, le joueur moyen a tendance à chercher consolation autre part.

Gameplay phase 2 : les combats. A - les intentions des auteurs

Et c'est là qu'arrivent les combats. Oui, vous avez bien lu : c'est au beau milieu de la résolution des énigmes que les combats s'imposent au joueur. Et pour les résumer au mieux : ils sont chiants. Parce qu'ils sont à la fois stressants, longs, répétitifs et nombreux. Oui, tout ça en même temps. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, distinguons ce qui est assumé par les développeurs et les réels défauts du jeu. Les auteurs ont voulu qu'Ico soit un héros fragile qui se démène contre des ombres fantomatiques pour protéger Yorda, la jeune fille qui l'accompagne. L'idée de base est bonne, on a deux choix : fuir ou combattre. Le concept est évident, ces combats sont une sorte de générateur de stress pour le joueur, et le fait qu'ils puissent arriver à tout instant si on laisse Yorda sans surveillance (ou si on avance dans le jeu en déclenchant un flag) réussit grandement à apporter de la richesse à l'ambiance. Voilà. Ça, c'est la seule chose que les auteurs pourraient revendiquer avoir décidé. Parce que tout le reste est raté.

Gameplay phase 2 : les combats. B - Des combats stressants

Le fait est que la fuite est rarement possible, vu qu'il nous faut pour cela résoudre une fois sur deux l'énigme de la salle dans laquelle on est pour pouvoir avancer (et c'est pas trop possible, m'sieur, y'a des monstres partout). Il nous faut donc combattre. Et on a droit à de magnifiques phases de jeu où Ico, qui est à proprement parler "immortel" vu l'absence de barre de vie, doit tuer les ombres ennemies, plus nombreuses et plus agiles que lui. Mais il faut aussi veiller à ne pas perdre Yorda de vue tout en évitant de se faire mettre K.O. pour ne pas qu'elle se fasse enlever. Car si une de ses condition est remplie, le combat n'avance plus : vous êtes obligé de chercher Yorda des yeux pour la sauver... et VITE. De magnifiques instants de jeu où on frôle le Game Over en permanence vu qu'Ico, dès qu'il reçoit un coup, tombe à terre et met des plombes à se relever pendant qu'une ombre s'en prend à son amie. Pour commencer, c'est bizarrement à ce moment précis que le joueur a tendance à ne plus tolérer les défauts de la caméra, qui vous gênent lors des stressantes recherches de Yorda mais aussi durant les affrontements eux-même, vu qu'on a souvent du mal à distinguer où Ico tape. Et bizarrement, c'est aussi à ce moment là qu'on se rend compte à quel point l'IA des ennemis est géniale : ils sont fourbes, retords et multiplient les feintes en tout genre (un point fort qui accentue un point faible, génial). Eh oui, en plus d'être supérieur au héros en vitesse et en nombre, ils sont aussi bien organisés, se plaçant sur votre route et tendant de vous assommer pendant qu'un autre s'en va, Yorda sous le bras. D'ailleurs, en parlant d'IA... pour ce qui est de celle de Yorda, on y reviendra.

Gameplay phase 2 : les combats. C - Des combats sans fin

Mais nous n'avons pas encore parlé des affrontements avec les monstres à proprement parler. Pour résumer, ils sont longs les monstres étant souvent très nombreux (et encore, il y en a d'autres qui viennent remplacer les premiers morts) et munis d'une grooooosse quantité de PV (qui n'est affichée nulle part évidemment). Surtout que, comme dit plus haut, les affrontement peuvent s'étendre à l'infini. Yorda se fait enlever, vu lui courrez après avec tous les monstres aux fesses, vous la rattrapez de justesse, vous tirez sur son bras pour l'extirper du vortex des ombres, une ombre vous assomme dès que vous avez fini, vous vous relevez, vu courrez après Yorda avec tous les monstres aux fesses, ... bref, ça peut durer un sacré moment comme ça.

Gameplay phase 2 : les combats. D - Des combats minimalistes

Des combats stressants et longs, ça passe encore si c'est pour l'ambiance. Le stress permanent expérimenté sur la longueur aurait pu être une bonne chose... si les combats n'avaient pas été aussi répétitifs. En effet, on appuie en continu sur la MÊME touche, on affronte en permanence les MÊMES ennemis et on doit mettre en place sans arrêt la MÊME stratégie... appuyer sur carré comme un gros porc en évitant de prendre des coups (et pas de commande réaction pour esquiver, non, quand ton coup est parti, tu fais une croix sur ton esquive, picétout). C'est encore une fois ce fameux Minimalisme créatif qui est la cause de ça. Un bouton, un type d'ennemi ; le même combat remis en scène à chaque tableau. Appliqué aux graphismes ou à l'histoire, ce Minimalisme passe encore. Mais bien loin de souligner la vulnérabilité du héros, c'est surtout notre impuissance qui est mise en avant durant les phases de combat. Contrairement à d'autres jeux du genre comme Resident Evil, on a ici quasiment aucun moyen d'agir sur ce qui se passe. Ico est un gamin armé d'un bâton contre une horde de créatures maléfiques... et y'a pas de Kamehameha de dispo, hein, faut pas déconner.

Gameplay phase 2 : les combats. E - Des combats en veux-tu ? En voilà !

En gros, après un ou deux combats, on en a marre. Et c'est en avançant qu'on se rend compte que ces phases sont répétitives, longues, stressantes... et NOMBREUSES. Bien loin de faire naitre en nous la pensée que ces phases de combat sont le résultat sophistiqué du concept de Minimalisme qui semble s'être étendu sur tous les aspects du jeu, c'est avant tout un sentiment de frustration et de lassitude qu'Ico nous inspire. Car, si lors du premier affrontement le joueur ressentira la satisfaction de la réussite après la pénible épreuve, à chaque nouvelle salle, c'est avec dépit qu'on découvrira devoir mener un énième combat sans saveur. Comme dirait un grand philosophe de l'internet : "UNFUN, the exact opposite of FUN". Alors oui, je savais très bien qu'en démarrant Ico j'allais pas me retrouver face à un jeu délirant pleins de paillettes et d'explosions "à la Michael Bay", mais après faut pas déconner.

Que garder des deux grandes phases de gameplay ?

En résumé, c'est là où Ico rate complètement son coup. Il nous propose des phases de contemplation d'un décor tantôt sublime / tantôt fade et des phases d'énigmes peu recherchées (et peu évidentes sans la soluce). Du coup, c'est en essayant d'oublier les p'tits défauts du décor qu'on découvre les grandes tares des affrontements.

Conclusion : Et l'ambiance alors ?

L'ambiance du jeu fait-elle mouche ? Je voudrais ici décrire ce que j'ai ressenti en jouant à Ico en vous racontant un moment de jeu en particulier : celui qui m'a fait éteindre la console.

Entre contemplation, empathie et rêverie, je me retrouve à fuir une horde de monstres (je fuis et le danger et la phase de jeu sans amusement). En un instant, je me retrouve dans une situation périlleuse. N'ayant pas pu sauvegarder après l'épreuve précédente, le stress est à son comble. Mais la porte est juste à côté de moi, il reste un espoir. Yorda se trouve un bon mètre en dessous de moi. Plutôt que de me lancer dans une nouvelle bataille épuisante, je tente le tout pour le tout : je tends la main, hurlant après Yorda. Pourvu qu'elle saute, qu'elle attrape ma main, qu'elle escalade la corniche ! La porte est à quelques pas de nous et il suffirait de la traverser pour en finir avec les monstres. Seulement Yorda ne grimpe pas. Elle n'obéit pas. Elle reste en dessous. Toujours la main tendue, je la regarde, impuissant, tourner en rond afin de trouver la bonne position afin de mieux sauter. Elle tourne, elle tourne et jamais ne se décide à attraper ma main tendue.

"Mais attrape cette main, pauvre conne !!"

Voilà où le jeu est mort pour moi. Avant même que Yorda ne se fasse enlever sous ma main impuissante, c'est bien celle d'Ico que je voyais et non la mienne. Je redevenais simple joueur derrière mon écran, pestant contre l'IA de cette cruche de Yorda, maudissant les mouvements gauches du petit Ico, pestant contre les ombres, ces mobs "trop cheat et clairement abusés".

Voilà l'ambiance d'Ico. Elle n'a rien de poétique. Elle est grossière, vulgaire et elle sort de ma bouche. Cette seule injure sortie si naturellement m'a fait comprendre à quel point j'étais sorti de l'œuvre du poète qu'est Fumito Ueda. La magie n'opérait plus. J'étais en face d'un jeu trop décevant comme il en existe tant d'autres. D'abord émerveillé, j'ai fini par tout arrêter après deux heures de jeu où les combats n'ont rien fait d'autre que de me faire ressentir lassitude et agacement. Et de tout cela, il ne me reste que la déception. Certes, Ico provoque un torrent d'émotions. Mais, perso, j'ai pas aimé les ressentir.

Ico, un jeu sans amusement. Des défauts tels que même son ambiance, son seul point fort, a volé en éclat.
LarsenLagann
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le 29 juil. 2013

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LarsenLagann

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