Mass Effect par Laaris

Noël, sa neige, ses cadeaux, ses vacances et ses soldes Steam. L'occasion d'essayer des jeux auxquels tout le monde à joué sauf moi. Mon dévolu s'est porté sur Mass Effect Collection, attiré par cette étoile vidéoludique un peu trop brillante au dessus du bac des jeux soldés.

Sans même savoir de quoi il retourne je dois me créer une identité, mon personnage s'appelle Shepard je dois juste lui donner un prénom. Tiens je vais mettre Christian. S'ensuit un choix de classe et de background pas vraiment parlant puis je dois définir l'apparence de mon futur sauveur de la galaxie. Inconsciemment je lui donne un visage qui me ressemble, en plus fin, et avec les yeux verts, et un nez trop long mais je ne m'en rends compte que trop tard pendant la cinématique d'intro. Tant pis, je me ferai donc l'intégralité de la saga avec ce pif démesuré qui me perturbe à chaque plan de profil.

Quand l'histoire débute je ne sais pas trop qui je suis mais il semble que je sois déjà un héros. Beaucoup de gens me connaissent et évoquent à mon sujet des événements que j'ignore, dont je ne me souviens pas et qui me dépassent. Je me rends compte rapidement que le jeu est plus un RPG qu'un TPS comme je le croyais au départ. Je me doute bien alors que je serai amené à sauver le monde, voire la galaxie vu comme c'est parti. Après une brève mission d'introduction je me retrouve à déambuler librement dans une station spatiale où là encore tout le monde me connait, bien que je n'eusse pas sauvé grand chose pour le moment. Chaque personnage rencontré a une requête à me soumettre, le plus souvent d'ordre personnel. Je suis voué à sauver le monde mais je dois d'abord faire les basses besognes des autres, et pour régler leurs différends je suis parfois amené à multiplier les pains dans la tronche. J'ai même rencontré la femme adultère en la personne d'une charmante alien nommée La Favorite qui m'a demandé d'aller raisonner un homme salissant son honneur. Loin de moi l'idée de lui jeter la pierre mais j'avais vaguement envie de lui répondre qu'étant donné ses activités il fallait s'attendre à se faire traiter de pute. Malheureusement ce n'était pas un choix de dialogue possible. J'ai donc fait ce qu'elle demandait.

Je suis constamment flanqué de deux types choisis parmi toute une équipe que je recrute au gré de mes rencontres. A chaque fois c'est un peu "hé toi je te connais pas, ça te dirait de tout laisser en plan pour me suivre ? On va sauver la galaxie." Les mecs n'hésitent jamais. Faut dire qu'ils ne sont pas très contrariants. Ils ne rechignent jamais à me suivre quand j'aborde un PNJ dont l'étrange posture m'a interpellé. Pas un pour me dire qu'il y a autre chose à foutre que d'aider une journaliste ou scanner des insectes mécanos. Si je croisais un mec perché dans un arbre et m'invitais à manger chez lui ils suivraient. Mais c'est un peu de ma faute si je suis entouré de boulets, j'ai cru comprendre après dix heures de jeu que je devais les upgrader en utilisant leurs points de compétences, choses que je ne faisais jusque là que pour mon propre avatar. Résultat, mes équipiers trainent tant bien que mal leur pauvre condition humaine alors que moi je suis plus rapide, plus résistant, je vise mieux et je leur suis supérieur dans tous les domaines, mais je ne marche pas encore sur l'eau.

Le jeu me contrarie, va à l'encontre du bon sens et je n'arrive pas à ne pas le voir. Si seulement je pouvais chasser les marchands qui me vendent des armes en plein milieu du complexe scientifique assiégé, parmi les survivants d'une invasion de monstres contre lesquels ils n'ont rien pour se défendre. Mais non, je ne peux que lever les yeux au ciel.

Trois mois après j'en suis à 12 heures de jeu. Je ne terminerai sans doute jamais ce premier épisode, et encore moins la saga Mass Effect. Tout ça m'énerve, je n'arrive pas à faire semblant de croire à ce parcours christique. Je peux à la rigueur me laisser porter par une parabole en tant que simple auditeur, mais quand j'y participe en tant que joueur je ne peux pas me résoudre à suivre, sans broncher et en étant proactif, une mécanique aussi servile alors que je suis sensé être un super héros.

Je ne sais pas comment tout cela termine, en me promenant sur l'internet j'ai lu que Shepard était affublé du surnom de Space Jesus, j'ai cru comprendre qu'il se sacrifie pour sauver la galaxie. Le messie boit le calice jusqu'à la lie, comme c'est surprenant, original. All of this has happened before and will happen again. Mais tout le monde se trompe, je crois que tout ce qu'on sait du Jésus original est un malentendu, y'a pas eu de sacrifice ni de résurrection. La Bible n'est que la log d'une instance de partie qui s'est finie en game-over après un mauvais choix de dialogue face au PNJ Ponce Pilate, un respawn trois jours plus tard suivi d'un ragequit définitif. Oui j'aime à penser que le mec qui jouait Jésus avait le même avis que moi sur toute cette mascarade qu'on appelle "RPG".