Des hommes et des baffes...

Il y a quelques années de cela, la France du jeu vidéo pouvait se targuer de disposer d'une patte artistique unique en son genre. Qualifiée de "french touch" dans le monde, ce savoir-faire s'est peu à peu estompé au fil du temps. Et pourtant, nombreux sont les créateurs de l'hexagone à avoir fait couler beaucoup d'encre. Qu'il s'agisse de Frédérick Raynal et Alone in the Dark, Eric Chahi et Another World ou encore Philippe Ulrich et Dune, tous ces auteurs et conteurs n'ont pas usurpé leur réputation, bien au contraire. Parmi ceux-là, il est impensable d'omettre un certain Michel Ancel. Maître d'œuvre de Rayman ou encore Beyond Good and Evil, le Monégasque de naissance ne s'encombre pas de mille et un jeux, mais lorsqu'il développe un projet, la tarte est souvent proportionnelle à l'attente des joueurs. En annonçant Rayman Origins, l'employé d'Ubisoft Montpellier savait qu'il serait attendu... et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une nouvelle fois, il ne nous déçoit pour rien au monde. Une merveille est née, il est impensable que vous passiez à côté.

Après une semaine bien chargée et un samedi passé loin de la maison, ma compagne et moi avions envie de profiter de son cadeau de Noël : une Xbox 360 neuve ainsi que Rayman Origins (bon, dans l'histoire, je lui ai aussi pris Just Dance 3). Loin d'être une férue de jeux vidéo, elle aime bien se faire des parties de temps à autre et la démo du jeu d'Ubisoft a suffit pour la convaincre. Ayant récupérer la galette le jour d'avant, elle était fin prête à montrer de quel bois elle se chauffe. Manette en main, la première impression est excellente et digne de l'univers de Rayman. L'écran titre, sobre au possible, est en effet accompagné de voix délirantes dès qu'on passe d'un slot de sauvegarde à l'autre, ce qui ne manque pas de faire sourire ma demoiselle. Quelques minutes plus tard, après avoir découvert le scénario du jeu (scène hilarante au passage), elle me fusille du regard et m'indique qu'elle va tout casser. Rayman Origins a la bonne idée de proposer une aventure jouable jusqu'à 4. Sans oser m'esclaffer devant elle, je souris doucettement. Eh bien... je n'aurais pas dû.

Rayman et Globox

Cela n'a l'air de rien dit comme ça mais le second joueur est souvent le dindon de la farce, en se tapant les personnages logiquement secondaires. Mais alors que Batman peut compter sur Robin, Rayman se tape un bon vieux Globox des familles (bon, il n'est pas le seul mais il est le compagnon attitré de Rayman depuis Rayman 2), avec sa panse rondouillarde et son bleu digne d'un schtroumpf, le tout auréolé d'une tronche d'ahuri comme c'est pas permis. Et pour le coup, le dindon de la farce... c'est bibi. Comme il s'agit de sa console, madame a pris la première manette et se grime en héros sans membre affublé d'une superbe mèche blonde. Votre serviteur, quant à lui, se tape bibendum. La partie n'a même pas encore commencée que ma compagne est déjà morte de rire... Rien de tel pour le couple que de commencer ce début d'aprem dans la joie et la bonne humeur. Dans les faits, j'ai pourtant tout fait pour tenter de changer de protagoniste (le jeu vous offre cette possibilité et les choix sont vastes, avec des héros qui se débloquent au fur et à mesure à l'Arbre Ronfleur, un endroit prévu à cet effet) mais je me suis heurté à la condition suivante : "Oui mais nan, si tu changes, j'arriverai pas à te reconnaître et je vais te confondre avec les ennemis". Que voulez-vous répondre à ça ? Pendant ce temps, je me dis que je peux enfin commencer la partie.

Des hommes et des baffes

Rayman Origins est un jeu de plateforme à l'ancienne, dans une 2D absolument somptueuse. Au fil de vos pérégrinations, vous débloquez de nouvelles capacités qui vous octroient différents pouvoirs : nager, planer, courir sur les murs, donner des coups ... Donner des coups, parlons-en... Voilà probablement la méthode ultime pour que les parties en multi deviennent un pugilat de sprites. Alors que je déambulais dans le niveau en espérant atteindre une plateforme, ma dulcinée, d'habitude si douce et compréhensive, s'est aperçu qu'elle pouvait me mettre des baffes virtuellement... et elle s'en est donné à cœur joie. C'est à ce moment qu'on découvre, outre les décors absolument divins (thèmes de la forêt, de la montagne, de la mer, de la musique, du feu, de la glace...), les animations complètement démentes et à mourir de rire. Si vous avez un humour visuel, ce Rayman Origins va vous régaler. Autant dire que mon Globox a souvent eu son portrait de recadré, d'autant plus que l'animation est différente si l'autre concentre sa frappe (en restant appuyé sur X - version 360 - pendant un moment et en relâchant). En un mot comme en cent, elle a retrouvé les sensations de New Super Mario Bros Wii avec un style à la française, inimitable. Un mix entre entraide et coups vaches. Mais parcourir les niveaux ne suffit pas, il faut aussi savoir récolter certains items...

Pièces jaunes

Jeu de plateforme oblige, Rayman Origins fait appel aux items pour rythmer votre progression et durcir le challenge. Outre les lums, ces petites bestioles qu'il faut libérer (il s'agit même de la première préoccupation du joueur), vous avez le moyen de débusquer des médailles dorées mais aussi quelques passages secrets ici et là. Et bien souvent, ces éléments ne sont pas faciles d'accès et obligent le joueur à négocier les sauts avec finesse. En mode coopération (ce qui n'est pas le cas en mode solo, qui devient pour le coup plus difficile), si l'un des joueurs est touché, il se métamorphose en une grosse bulle et il suffit que son coéquipier le frappe pour qu'il revienne en jeu. De ce fait, il est tout à fait possible de mettre en place des stratégies pour récupérer un max de lums. Ma compagne a très bien compris le truc... et passait les passages difficiles à se balader en bulle pendant que votre serviteur tentait de sauver sa peau. Cette conception fait que les fous rires sont très nombreux. Dans ces conditions, on pourrait se dire qu'il est préférable de parcourir le titre avec un joueur aguerri... mais entendre sa femme beugler "mais vas-y, frappe-moi" (pour revenir en jeu), ça n'a pas de prix. Et sans être sado-maso qui plus est.

Perdre la boule

Rayman Origins est une merveille à tous les niveaux, et si certains moments peuvent s'avérer brouillons (surtout si on y joue à quatre), la progression est parfaitement dosée, qu'il s'agisse du level design (ingénieux et inspiré) ou de la difficulté. Le jeu d'Ubisoft Montpellier fait très fort, car il s'adapte aussi bien aux joueurs novices qu'aux expérimentés du paddle, et l'expérience de votre serviteur le démontre clairement (lorsque les personnages s'éloignent, un dézoom s'active et s'étend assez loin). C'est d'autant plus vrai que l'univers est si immersif qu'on se fiche de perdre des vies (qui sont illimitées) et de recommencer à la dernière portion de zone. Les chargements sont très courts et le rythme est si incessant qu'il est difficile de lâcher la manette. Les combats contre les boss sont d'ailleurs de grands moments, à défaut d'être compliqués à vaincre. Cette préciosité graphique est soutenue par une bande son prodigieuse, mêlant des genres de musiques très variées, dont certaines, très expérimentales, réalisées avec les petites voix des lums.

Must have

Malgré une progression linéaire et une durée de vie qui peut paraître courte en ligne droite (plus c'est bon, moins c'est long, ça peut aller aussi dans ce sens), Rayman Origins est un jeu riche d'idées. Par exemple, si par défaut, il suffit d'être touché une seule fois pour perdre une vie, il est possible de récupérer un cœur pour vous offrir une seconde chance. Cet item est d'ailleurs, comme pour les médailles, un élément de discorde. Ne vous étonnez pas d'entendre très souvent "laisse-moi le cœur, t'en as pas besoin !". Et que dire des niveaux avec Mosquito, le célèbre moustique du tout premier volet. Pour le coup, vous vous retrouvez dans un shoot délirant, où l'on vous offre la possibilité de tirer mais aussi d'aspirer certains objets pour les éjecter sous forme de gros missiles. Drôle, magnifique, inspiré, ingénieux, extraordinaire, tous les superlatifs manquent pour qualifier cette œuvre. On regrette que les développeurs n'ont pas intégré de modes online. Sorti de là, c'est tout simplement l'un de nos TOP 3 dans les jeux de l'année. Michel Ancel (et son équipe) a fait remonter en nous les meilleurs souvenirs de l'enfance. Du bonheur ! A ce propos, n'hésitez pas à dénicher les clins d'œil destinés à l'industrie vidéoludique, il y a notamment un passage tout droit sorti de Donkey Kong.

Critique publiée sur Total-manga.com