Shiny meat Bicycle


Éculée la vieille supercherie de TellTale consistant à faire croire à son spectateur crédule que ses actions avaient une véritable influence sur le scénario. Depuis l'excellent Wolf Among Us ou bien le très surfait The Walking Dead - Instant émotion grâce à la petite fille avec sa casquette - TellTale n'impressionne plus tellement.


En tout cas, moi, j'suis plus impressionné.


Entre son moteur graphique digne des débuts de la PS2, ses animations saccadées et proprement dépassées, ses temps de chargement incompréhensiblement longs et fréquents, ses choix limités et sa narration tirant franchement trop fort sur la corde du pathos, le public fini par en avoir gros, ne se sentant pas considéré en tant que tel par TellTale.


La mayonnaise ne prend plus, la sauce est éventée, le chat est sorti de la boîte, bref, en une métaphore comme en cent : on se sent floué.


Et, pour ne pas vous surprendre, ce Tales from the Borderlands souffre des mêmes défauts que ses aînés.


Alors, pourquoi une telle note ? Pourquoi après avoir joué, regardé un playtrough du bon Docteur Chocapic ai-je acheté le jeu pour le re-faire (et pour être réglo avec les développeurs).


Probablement parce que ce point&click 2.0 assure le spectacle et emporte totalement le joueur. Si les choix ne sont pas décisifs pour l'histoire ils font évoluer les relations entre les personnages et les dialogues et interactions savoureuses nous poussent à refaire l'aventure pour explorer la totalité des options.


Toujours techniquement à la ramasse, les scénaristes décident de laisser tomber le côté over-dramatique de ses précédents opus pour entrer pleinement dans l'humour pétillant de Borderlands tout en apportant une profondeur à l'univers des jeux de 2k/Gearbox, TellTale n'en trahit pas l'humour et l'esprit. Psychopathes délurés, planète hostile et loot débile, tout est réuni pour nous faire passer un très bon moment sur Pandora.


À son actif, Tales from the Borderlands met en scène un casting d'imbéciles hyper-attachants, que ce soit ses personnages principaux en la personne du pédant Rhys et de Fiona la fraudeuse ou tout un casting de personnages secondaires que ce soit un Loader Bot aux répliques magiques, un robot naïf et tout mignon parfois à la ramasse, quelques faces connues des jeux Borderlands essayant tantôt de vous étriper tantôt de vous aider et deux acolytes en la personne de Vaughn le comptable stressé et Sasha, jeune sœur intrépide de Fiona. Rajoute à tout ça des némésis aussi stupides que méchants et tu as un très bon début. D'autant que le casting vocal est léché, l'incontournable Troy Baker se trouve dans la peau de Rhys pour notre plus grand plaisir.


La narration se déroule quasiment entièrement en flash-back, alternant les phases où nos héros sont prisonniers d'un mystérieux kidnappeur et celles où ils racontent tour à tour leurs histoires. Cette narration dichotomique autorise tous les excès et abus, tous les fantasmes et laisse libre cours à la mauvaise foi de nos héros qui enjolivent l'histoire ou bien ridiculisent l'autre.


Si l'histoire est convenue et se paye même le luxe d'un final assez plat au cliffhanger attendu ( du côté narratif s'entend, tout ce qui précède le final est par contre aussi jouissif que délirant), Tales from the Borderlands a pour lui une incroyable pêche qui se traduit par une mise en scène rythmée et explosive ne laissant jamais la place à un temps mort, le tout nappé de dialogues aussi stupides que géniaux, de piques et réparties qui laissent le joueur hilare et lui font souvent retirer les mains du clavier pour contempler l'histoire. Chose à ne pas faire, on se retrouve bien marron lorsqu'on voit soudain débarquer un QTE que l'on n'attendait pas, ou un choix de dialogue qui nécessite un tant soi peu de réactivité.


L'humour limite absurde de la série est magnifiquement retranscrit, que ce soit dans les dialogues, l'ironie constante qui pousse les personnages à te rappeler (pas très) subtilement que tu es dans un jeu vidéo, les petites annotations, descriptions et autres marqueurs d'action profondément stupides et qui soulignent tout le ridicule d'une situation.


Tales from the Borderlands est une incontestable réussite qui parvient à se dégager des tares misérabilistes de ses aînés pour plonger corps et âme dans l'univers irrévérencieux de Borderlands, se payant même le luxe d'apporter de la profondeur et de la consistance à l'histoire de la franchise.
Un must pour les amateurs de TellTale, les aficionados de Borderlands où les curieux borderline dans mon genre.


En prime, la bande-son est magnifiquement calibrée, country blues durant le jeu et pop survitaminée durant des génériques monstrueusement jouissif et bien mis en scène, à l'image de la musique en lien au début de cette critique, Busy Earnin' by Jungle

Petitbarbu
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le 4 nov. 2015

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Petitbarbu

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