The Walking Dead : Saison 2
7.6
The Walking Dead : Saison 2

Jeu de Telltale Games (2013PlayStation 4)

Cette critique contient des spoilers mineurs sur les saison 1 et 2 de The Walking Dead.


Je dois avouer que j'aime énormément le Telltale nouvelle vague. Beaucoup moins expérimentale que la première saison, cette deuxième s'inscrit véritablement dans une optique de visual novel interactive, et abandonne le camouflet de point 'n click que pouvait être The Walking Dead dans ses premiers épisodes, et qui ne servait bien souvent qu'à temporiser, quand ce n'est pas casser le rythme de certains passages. C'est un choix qui ne fera pas que des heureux, mais qui a le bon goût d'être totalement assumé par les créateurs, et même s'il y a de quoi regretter le bon temps des Monkey Island ou des plus récents Sam & Max dans une moindre mesure, dans le cas de The Walking Dead (ou de Tales from the Borderlands, qui s'annonce vraiment comme la meilleure série de Telltale s'ils ne pètent pas trop dans la colle pour les futurs épisodes), je préfère largement un roman interactif tendu pendant 2 heures qu'un épisode disparate de 3 heures où l'on passe une bonne demi-heure à démarrer un train (looking at you Long Road Ahead, même si de toute la saga tu restes mon épisode préféré, bisous).


Il y a du bon comme du mauvais à la méthode. Déjà il y a beaucoup de coupes à faire pour garder un rythme consistant, et ces longues phases où l'on devait simplement dialoguer (ou non) avec l'ensemble des protagonistes avant de passer à la suite sont les premières à en pâtir. D'accord, c'était parfois artificiel et maladroit, mais c'était aussi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur ses compagnons d'infortune et de resserrer des liens que l'on s'imagine avoir avec des personnages virtuels. Le bon côté, c'est que cela permet à cette saison de se démarquer franchement de sa grande sœur, ce qui était aussi le but demi-avoué après le départ de Gary Whitta et Sean Vanaman.


Je pense qu'au lieu de reprocher à Telltale de n'avoir investi que dans des personnages chairs à canon, il faut envisager la grande image selon un angle plus large : on découvrait en 2012 le soulèvement des walkers à travers un œil encore neuf, autant celui de Lee que celui du joueur ; il était impensable en 2014 de changer ce point de vue, le choix de poser Clementine en héroïne n'était donc pas simplement naturel mais tout bonnement vital pour maintenir les fondations de la série. En gardant Clementine, un cycle s'est instauré et j'aime beaucoup cet angle profondément humaniste retenu par Telltale, celui de la transmission de patrimoine. Le duo Lee/Clem était d'autant plus malin que chacun y trouvait son compte, le premier y trouvant une raison de continuer à se battre après un pilote qui annihilait toute véhémence de survie, la seconde une forme de protection doublée d'une initiation à la survie.


La véritable quête initiatique de Clementine ne commence que durant cette saison cependant, et un double jeu s'opère durant l'ouverture du premier épisode : le prologue se passe directement après les évènements de la première saison nous montrant la gamine encore apeurée, dont la négligence coûtera la vie à un personnage. Ellipse. 16 mois plus tard, et maintenant pratiquement 2 ans après le jour 0, Clem est plus grande physiquement, mais pas que. Rongée par la culpabilité, elle a aussi atteint une certaine maturité d'esprit, caractérisée par l'autonomie, la débrouillardise et la défiance dont elle peut faire preuve face à un groupe d'adultes. Il est très facile dans ces conditions de tomber dans le piège d'un personnage trop badass, trop vite, et c'est quelque chose qui aurait à mon sens pu être géré de manière plus finaude en utilisant le personnage de Sarah à meilleur escient. Sarah est le contrepoids parfait de Clementine, c'est un modèle d'adolescente encore 'pure' dans un monde qui ne l'est plus depuis longtemps ; encore plus candide que Duck en son temps, principalement grâce au (ou à cause du) cocon formé autour d'elle par son père. La première rencontre entre les deux personnages est pour le coup évocatrice, Sarah pense, par l'attitude qu'elle dégage, que Clem pourrait être son amie car elle semble avoir le même âge qu'elle, alors que tout dans son comportement laisse Clem penser que Sarah est trop jeune pour son âge. J'ai vraiment adoré ce personnage, et même s'il y avait moyen de faire bien plus et bien mieux avec elle, la dynamique que l'on a avec elle met bien en exergue le fait que Clementine a subi une maturité express forcée dans cette univers désolé, ce qui n'excuse pas l'ardeur et la facilité avec lesquelles les adultes semblent l'envoyer au charbon en début de saison, mais permet au moins d'expliquer certains comportements.


Je rejoins l'avis de beaucoup, à savoir que l'on s'intéresse trop peu aux personnages que l'on rencontre pour se soucier de leur sort, mais là encore c'est un mal nécessaire dans la quête initiatique de Clem, qui était reléguée à la petite voix de la conscience, un peu trop facile à suivre, lors de première saison. L'immense majorité des choix effectués par Lee était impactés ou influencés par la gamine, qui vivait d'une certaine manière par cette procuration. J'ai donc aimé pour cette deuxième saison que l'on ne prenne pas de gant dans le transfert des responsabilités et que l'on nous en fasse baver une maximum dans nos choix. On dépasse même de loin la simple recherche du scénario le 'moins pire' pour entrer dans le cadre du contrôle des dommages permanents. Absolument tout part en vrille en moins de temps qu'il ne faut pour se préparer un œuf sur le plat dans cette saison, évidemment cela n'aide pas à effectuer des choix marquants sur le long terme, mais en dédramatisant le processus de décision, le joueur et par extension Clem apprennent à lâcher du lest. Cette deuxième saison est volontairement plus sombre que la première pour cette raison, alors que certains choix moraux étaient particulièrement mécaniques et polaires auparavant (Doug/Carley, Lilly, le Stranger, la Bagnole pleine de provisions...), il n'y a ici que des choix imparfaits et nuancés, balancés à un rythme militaire histoire de casser les défenses du joueur et déstabiliser un playthrough qu'il espérait parfait (on ne change pas ses habitudes). De même, les antagonismes sont davantage marqués dans cette saison, conséquence première de la simpliste dichotomie de la première saison, beaucoup de personnages sont ici beaucoup plus ambigus, avec des affrontements poussant la confiance de Clem dans ses derniers retranchements, et plusieurs occasions d'être véritablement méchant(e) ou de faire une grosse bêtise face à des personnages au bon fond.


Je peux comprendre que l'approche en ait déstabilisé plus d'un, mais non contente de s'inscrire parfaitement dans le sous-texte que les développeurs souhaitent donner à la saga, c'est aussi l'occasion de secouer nos vieilles habitudes et de venir nous cueillir hors de notre zone de confort, ce qui à mon avis devrait être l'objectif de n'importe quelle œuvre culturelle qui se respecte. Maintenant, ceux qui commencent à bien cerner l'écriture Telltale auront déjà compris que le choix final effectué à la fin de cette saison n'aura que peu d'importance sur la suite des évènements, et c'est pourtant le choix qui aura contribué à façonner votre Clementine, pas du point de vue du jeu, mais du point de vue de votre expérience, comme le rappelle habilement le message en début d'épisode.



This game is tailored by how you play.



Le plus excitant dans tout cela ? Cette troisième saison, si tout se passe comme prévu, nous mettra vraisemblablement aux prises avec une Clem plus vieille de quelques mois/années encore, qui aura charge de boucler la boucle débutée par Lee. Ce sera l'occasion de repartir de zéro, sur une base plus calme, moins effrénée, et surtout de faire face à ses erreurs passées pour transmettre, à son tour, les bons comportements à adopter. Et deux saisons entières de souvenirs, ça ne s'efface pas comme ça, il va falloir prévoir une bonne quantité de mouchoir. Pitié Telltale, assurez votre coup.

Créée

le 26 avr. 2015

Critique lue 472 fois

6 j'aime

HarmonySly

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