Abrégé d'histoire de la littérature portative par MarianneL

«Abrégé d’histoire de la littérature portative» apporta à Enrique Vila-Matas en 1983 son premier succès d’estime.
Il y invente une société littéraire secrète, fondée en 1924 à Port-Hâtif, village africain du delta du Niger, par le fruit du hasard et du malentendu.

«Nous ferons connaissance de ceux qui auront permis d’écrire le roman de la société secrète la plus joyeuse, la plus loufoque et volubile qui ait jamais existé, des écrivains, turcs à force de tabac et de café, héros gratuits et délirants de cette bataille perdue d’avance qu’est la vie, amoureuse de l’écriture à condition d’en faire la plus drôle, mais aussi la plus radicale des expériences.»

Dans ce groupe aux airs dadaïstes ou surréalistes, on croise des personnages réels ou fictifs, «machines célibataires» ou encore femmes fatales, notamment Marcel Duchamp, Francis Picabia, Walter Benjamin, Jacques Rigaut, Valery Larbaud, Blaise Cendrars, ou encore Georges Antheil ou Werner Littnarski, Georgia O’Keefe, Pola Negri, Rita Malú ou Berta Bocado.

Pour faire partie de cette société de shandys inutile et insolente (un hommage appuyé au roman de Laurence Sterne), «l’apothéose des poids légers dans l’histoire de la littérature», il fallait «justifier d’une œuvre qui ne pesât pas trop lourd et qui pût aisément tenir dans une mallette, l’autre clause obligatoire était de fonctionner en machine célibataire. D’autres caractéristiques, quoique non indispensables, étaient fortement recommandées car considérées comme typiquement shandys : esprit d’innovation, sexualité extrême, absence totale de grand dessein, nomadisme infatigable, coexistence tendue avec la figure du double, sympathie à l’égard de la négritude, tendance à cultiver l’art de l’insolence.»

Pour écarter les farceurs importuns, Walter Benjamin aurait d’ailleurs inventé une machine à peser les livres «qui porte son nom et qui, avec le succès que l’on sait, nous permet aujourd’hui encore de détecter avec une précision absolue le caractère insupportable de certaines œuvres et, partant, quoiqu’elles s’efforcent de le dissimuler, leur caractère intransportable.»

«Abrégé d’histoire de la littérature portative», un livre poids léger drôle et exigeant, passera sans encombre le test de la pesée, ainsi que tous les livres à suivre de Vila-Matas, dans la même veine, légère et profonde.
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le 15 août 2013

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