Seconde tentative de ma part de lire Modiano, après "Un Pedigree", et, une nouvelle fois, des sentiments mitigés. C'est indiscutable qu'il y a dans "Dans le café de la jeunesse perdue" une grande élégance, aussi bien dans l'écriture - légère, vaporeuse même parfois - que dans la narration, qui fait se succéder plusieurs narrateurs autour des mêmes "évènements" avec une subtilité indiscutable : Modiano évite "l'effet Rashomon" devenu presque bateau, tout en ne donnant jamais non plus complètement les clés de ce qui se déroule devant nos yeux aveugles (aveuglés ?). Car le livre, mystérieux, n'est pas un thriller, et, pour paraphraser l'auteur, "il faut accepter la part de mystère" quand on aime, et c'est très bien ainsi. Modiano joue subtilement de légers décalages, d'un indéniable "flou" (artistique ?) pour empêcher que le lecteur ne saisisse tout-à-fait et ce qui se joue, et la manière dont cela même se joue. Et il y a un indiscutable plaisir à se laisser ainsi manœuvrer.

Pourtant, au final, malgré les excellentes dernières pages, une vague impression de vacuité perdure, comme si le bel exercice de style auquel Modiano s'est livré ne dissimulait qu'une terrible banalité du sujet et même des affects : car finalement, Modiano ne travaille guère que dans le registre de la nostalgie la plus "piétonne", celle des endroits qu'on a connu dans sa jeunesse et qu'on ne retrouve plus, celle des personnes qu'on a aimées et qui ont disparu. Le tout symbolisé dans la recherche d'un Paris de carte postale finalement assez poussiéreux. Rien donc que des lieux communs, simplement transcendés ici par le talent d'un écrivain. Ce n'est pas assez ! [Critique écrite en 2009]
EricDebarnot
6
Écrit par

Créée

le 18 sept. 2014

Critique lue 662 fois

1 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 662 fois

1

D'autres avis sur Dans le café de la jeunesse perdue

Dans le café de la jeunesse perdue
abrabrabra
7

"Nous vivons à la merci de certains silences."

De Louki, qui n'est qu'un surnom, on ne sait que des faits : son nom, ses fréquentations, les lieux qu'elle emprunte, son âge, quelques détails sur son apparence... Roman à quatre voix, le livre de...

le 4 août 2015

7 j'aime

Dans le café de la jeunesse perdue
Laynad
9

Points fixes et zones grises

J'ai rarement été aussi absorbée par un Modiano. J'ai commencé à le lire après le Nobel. L'ambiance si particulière, entre nostalgie, oubli et solitude m'avait beaucoup touchée et intéressée. Dans le...

le 27 août 2015

2 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

101

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

183 j'aime

25