Ceula ne par le pa que de souri et de fleurre
Lu dans un bus, parce que le titre est original, parce que la souris a l'air bien sympathique devant son labyrinthe, parce que les gens en parlent ici ou là, qu'avec de jolis mots. Par sequeu les critures du débu et veille la curiositet. Il y en a beaucoup des raisons pour lire ce livre, mais il y en a tellement plus pour ne plus le lâcher dès sa lecture commencée.
Expérience émotionnelle complète, Des Fleurs pour Algernon ne prend pas par surprise et affiche clairement ses intentions sentimentalistes, avec un héros auquel on ne peut que s'attacher et une histoire propice à maintes scènes tristes à en pleurer, belle à en rire. Je ne peux que dire du bien de ce livre, car il ne mérite pas qu'on en retienne les quelques points fâcheux. J'ai lu dans certaines critiques quelques attaques sur la définition de l'intelligence, que cela ne se résume pas à parler dix langues étrangères et avoir le QI d'Einstein. Je suis probablement d'accord, mais je crois que ces lecteurs sont passés à côté du propos, et en ont retenu certaines bribes peu utiles. Je trouve par ailleurs que l'éveil de l'esprit est plutôt bien amené dans le livre, par des procédés certes rudimentaires parfois (l'évolution de l'écriture, par exemple), mais jamais vains.
Les personnages, volontairement caricaturaux à certains moments, sont très plaisants à suivre. Charlie détaille petit à petit leur vraie nature, que l'on ne faisait que percevoir dans un premier temps, et les relations de ce monde prennent sens, le laissant bien souvent au dépourvu C'est un héros bien solitaire que ce Charlie Gordon. Sa compagnie, incarnée par une jeune psychologue gentille au possible ou une voisine marginale, est toujours fictive et s'arrête aux apparences (un moment, du moins). Je présume que la forme du journal intime n'y est pas pour rien, et donne toujours une sensation « indirecte » de la relation au monde, puisque tout est médié par la voix d'un « je » volontairement tournée sur l'étude du « je ».
Il est étonnant de constater à quel point ce roman n'est pas démodé, malgré sa relative ancienneté. Keyes a eu la bonne idée de concentrer son histoire sur l'humain, sans approfondir le côté scientifique de l'expérience sur Algernon ou Charlie, et je pense que c'est une très bonne idée. Ce flou ne fait que convaincre le lecteur qu'ici, la science-fiction est pleinement au service de l'histoire, et ne se présente pas vraiment en porte-fanion d'un genre (je ne pense pas qu'il soit hérétique de décrire Des Fleurs Pour Algernon comme une pierre de « littérature blanche »...).
Les souvenirs qui ponctuent le récit, cette fois-ci marqués de l'analyse de Charlie sont d'une détresse incomparable, et font souvent prendre conscience de l'incompréhension de l'idiotisme dans notre société. Toujours viscérale, l'écriture de Keyes se veut simple et descriptive, mais trimballe souvent sa charge de larmes. Je me suis parfois demandé lors de la lecture si les scènes, obligatoirement émouvantes car utilisant des ficelles de l'émotion incontournables, n'étaient pas en trop grand nombre, si l'émotion et la compassion n'était pas ici surexploitée. Je crois que la réponse est non. Le tout est bien trop cohérent pour y trouver une faille.
La deuxième partie du livre fait véritablement froid dans le dos, et tout ce que l'on peut appréhender prend place de manière fatale. Et comme Charlie et son entourage, on suit les lignes jusqu'au point final, les yeux embués et le cœur bien agressé. J'ai rarement vu les dernières lignes d'un livre (je ne parle pas de pages, mais bien de lignes) m'émouvoir autant.
Pour conclure, je conseille vivement Des Fleurs pour Algernon. Le maitre-mot : émotion, vous l'aurez compris, mais il y a tellement plus dans ces pages. Une leçon d'humanité, une reconsidération morale, un air frais, un renouveau littéraire... C'est vraiment très beau. Une écriture belle pour une histoire sans pareil. Lisez Des Fleurs pour Algernon.